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Ft. Aden
Dans ce silence absolu, dans ce carcan rien qu’à eux, sa voix est de velours, à l’instar de ses doigts sur sa nuque, de ce geste tendre qu’il n’adresse qu’à ceux qui se sont glissés là, sous l’antre impénétrable de ses côtes. Nichés là, dans ce cœur dont il semble progressivement perdre le contrôle.
Il l’étreint plus étroitement avant de reposer l’une de ses jambes fléchies sur le matelas. Il l’utilise comme levier, les fait précautionneusement rouler sur leur flanc, profite de pouvoir faire d’Aden le prisonnier de ses bras. Embrasse son visage, le berce, fait de lui son plus précieux trésor.
Il soupire, quelque chose d’amusé, de tendre, d’enjôleur et enjôlé.
C’était ce jeu insidieux. Cette brûlure qui le ronge de l’intérieur. Aden n’avait besoin de rien, d’aucun artifice pour le séduire. Il voudrait le garder-là, pour lui, ne jamais le perdre, ne jamais le partager. Il voudrait fuir cette cité, découvrir comment libérer Aden de cette sphère qui l’écrase et l’étouffe. Mais il n’en a pas les moyens. Ne les aura sûrement jamais. Alors il se contente de le garder contre lui, de le protéger du peu qu’il peut offrir. De l’aimer plus qu’il n’en a la force.
* S'il y a une chose que tu dois écouter, retenir ce soir.
Il commence, s'approche, cale ses coudes de part et d'autre de son visage, l'air grave. Il a l'air sérieux, pas l'air de vouloir plaisanter, non, loin de là.
* C'est que tu vas sortir d'ici. Tu sortiras d'ici indemne, Rosario. Et une fois que tu seras dehors, alors, peut-être, tu pourras venir me chercher.
Hé bien, c'est flou tout ça. Mais il ne veut pas lui en dire plus, il ne veut pas gâcher ce moment. Aussi, pour être sûr de ne pas entendre de questions, de remarque, il vient l'embrasser passionnément. Aussi concentré qu'il puisse l'être, Rosario est une trop grande distraction.
Ft. Aden
La voix serrée, pressé contre ses lèvres, seul un gémissement s’étiolé entre eux. Ce n’est pas un reproche, pas une pique, pas une plaisanterie. C’est une peine réelle et sincère qui se lit au fond de ses yeux dans une simple pensée. Qui se devine lorsqu’il caresse sa joue comme on effleure un rêve. Rosario n’est pas un imbécile. Sait que ce qu’Aden est plus qu’il ne devrait espérer. Qu’il n’y a aucune chance que les choses se passent comme il l’aurait désiré.
Il l’attire à lui, voudrait lui avouer que lui… lui ne saurait pas faire. Que lorsque l’on bâtit un monde autour d’un individu, par amour, par haine, par dépit… L’idée de le perdre lui volait son but. L’idée de le voir disparaître lui écrasait le cœur. Mais il n’a pas le droit à ça. Pas le droit de dire ces choses-là. Pas le droit d’avouer ses torts ou ses erreurs. Alors il se contente de le retenir à la nuque, d’approfondir le baiser, comme un accord tacite. D’accepter ce qu’Aden aura à lui offrir.
A regret, il détache ses lèvres des siennes et revient embrasser sa gorge, rêvant de marquer sa peau diaphane, laissant ses crocs érafler sa peau. Mais il n’en fera rien. Aden était le seul dans cet échange qui laisserait sa marque. Douce-amère réalité que de savoir qu’il n’était sûrement qu’un passe-temps. Qu’une aventure.
Une promesse, un murmure, une griffure laissée sur leurs deux âmes. Il mord la ligne de son épaule, assez pour réveiller la sensation dans la chair d’Aden, trop peu pour y laisser la moindre imperfection, même éphémère.
Oui, pendant un instant, Aden comprend Abysse. Il le jalouserait même.
Cette liberté, il la veut, il comprend.
Non, non, il ne faut pas penser à ça. C'est comme un déclic, un tout petit quelque chsoe d'inaudible. Il se redresse, se relève, sur les genoux, il l'observe. Aden a envie de l'embrasser, encore, de se laisser faire, d'oublier, juste un peu, de goûter à cette fontaine de mensonge dans laquelle il se noierait bien. Mais pendant cet instant là, Aden n'est plus là. Le président du conseil inspire, doucement, avant de poser sa main sur la joue de Rosario.
Son Rosario.
Non, non.
* Il faut que tu t'en ailles maintenant, il ne faut pas qu'ils te trouvent ici.
Ft. Aden
Mais Aden n’est pas qu’une créature douce et avide d’affection, non. Aden est bien plus encore. Rosario devrait sûrement se contenter du peu qu’il pouvait avoir à lui seul. Se vanter d’être l’un des rares à pouvoir le contempler dans son reflet le plus sincère. Il prend appui sur l’un de ses coudes, observe, les lèvres rougies par la passion, Aden retrouver son masque. Aden qui lutte contre ses désirs et son devoir. Aden qui l’aime sans jamais pouvoir se le permettre.
D’un geste délicat, il retient la main du Président contre sa joue et vient doucement embrasser sa paume. Comme on baise la main de celui qui nous est destiné. Comme on promet sur son propre souffle que rien ne pourra les séparer. Rosario ferme les yeux et souffle doucement.
Il ne s’explique pas, ne se justifie pas. Déjà le ton de voix d’Aden se fait plus dur, plus régal. Il embrasse à nouveau sa main et lui lance un sourire d’une tristesse infinie, malgré toute l’affection qui brûle encore au fond de ses yeux.
Tu es si cruel, Aden…
Pourtant, il se redresse, s’extirpe de leur torpeur charnelle et vient s’agenouiller devant lui, baise ses lèvres d’un contact éphémère et souffle là, contre sa peau.
Il croise son regard, lui offre cette douceur qui n’est qu’à eux. Il n’a pas le droit d’être ici. Rosario sait qu’être près d’Aden représente une cible permanente sur sa personne. Il n’a pourtant pas la force de s’arracher à lui. L’enlace et presse sa joue contre son épaule, l’étreignant avec force. Le serrant jusqu’à ce qu’Aden le sente dans sa chair, dans ses os, dans son âme.
* Ne m'aime pas si ça te tue.
Il murmure, crispé au possible, Rosario le serre dans ses bras et Aden ne répond pas, il ne bouge pas, le laisse faire, essayant de se faire à l'idée qu'il est inutile de s'attacher à des chimères.
* Arrête de me torturer, Rosario..., il supplie.
Ft. Aden
Alors Rosario fait la seule chose dont il peut être capable. Il obéit. Rend sa liberté à Aden et lui sourit, comme si c’était la dernière fois. La cruauté d’Aden est infinie, oui. Mais Rosario en vient à se demander s’il n’en est pas la propre victime. Alors il ne force pas, ne pousse pas, ne le touche pas. Il ne veut pas de ça, après tout, pas vrai ? Il recule et descend du lit, un sourire entre mystère et tendre étirant ses lèvres.
Ah, peut-être que ses derniers mots sonnent blessés. Peut-être qu’il aurait aimé avoir la chance d’en faire davantage. Mais il n’en fait rien et quitte la pièce sans un bruit. Et après quelques courtes minutes, Aden pourra simplement entendre la porte se refermer et le laissant seul dans son antre.
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