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Ft. Aden
Il se redresse suffisamment pour s’asseoir sur les hanches d’Aden, laissant ses mains se poser sur le ventre ferme et plat, dessinant des cercles réguliers de ses pouces.
Ses mains glissent sur ses flancs et il revient se pencher sur lui, laissant à peine la pointe de sa langue effleurer ses lèvres. C’est un jeu, un jeu qu’il a toujours aimé pousser à ses limites. Un jeu dangereux qui l’excite et l’exalte.
Mais il n’en a pas le courage. Quelque chose chez Aden pousse tous ses boutons. Quelque chose chez Aden réveille le plus instinctif et sordide au fond de Rosario. C’était ça le problème. Le vrai problème. Rosario est faible face à lui. Et la simple réalité que chacun de ses mots puisse l’inciter à plus devrait l’inquiéter pour sa propre survie. Mais il s’est résigné. Résigné à mourir de ses mains s’il le fallait.
Il vient prendre l’une de ses mains et embrasse sa paume, laisse la pulpe de ses lèvres effleurer la ligne de ses doigts. Il veut l’embrasser, mais il le connaît. Sait que céder trop tôt ne mènerait à rien. Il veut l’inciter, l’inviter, le faire sien. Le tenir au creux de ses mains. Aden. Mais il ne fait que glisser les doigts pâles devant ses propres yeux. De cette façon si singulière que lui a d’ordinaire de voler un baiser à Aden. De cette façon à eux de se voiler la face, de faire croire au monde que rien n’existe. Que tout ça n’est pas vrai.
* Nous avons déjà eu cette discussion.
Il esquisse un sourire, signe visiblement que sa carapace se craquelle sous les coups de l'autre homme.
* Tu te souviens ? Je t'ai dis que j'allais passer un arrêté contre toi.
Silence, il ouvre à demi les yeux, le toise longuement.
* Tu as ris.
Ft. Aden
Ses doigts se lient à ceux du plus grand, le jeu n’est pas fini non, mais rien ne lui interdisait une pause pour profiter de son contact et de sa chaleur. Il aime le temps qu’il peut passer avec Aden, pour l’homme qu’il est, et non pas pour ce qu’il représente – peu importe combien le sujet de cette attention pouvait laisser entendre que les deux sont indissociables –. Rosario laisse filer un soupir avant de venir se glisser contre le torse de l’autre homme, venant profiter de cet instant de paix, aussi éphémère soit-il. Il n’a pas de mission, pas de grand projet. Il veut seulement sentir Aden contre lui. L’étreindre sans pouvoir demain regretter ou oublier.
Leurs doigts liés contre ses lèvres, il embrasse la pâleur blafarde des siens, baise la main d’Aden avec une déférence qu’il n’affiche que rarement. Contre son torse, niché-là comme si cette place lui revenait, il murmure à peine, pensif.
* Tu as raison. Tu me manquerai.
Il lui manquait, en vérité. Il ne se passait pas une seconde, un instant, sans qu'Aden ne pense à ça. D'autant plus lorsqu'il était seul, à son bureau, dans un couloir, sur le chemin du retour, dans son appartement. Rosario lui manquait. Tout semblait si terne, si fade, maintenant qu'il avait goûté à lui. Il lui avait accordé cette confession, à présent il caressait ses cheveux tendrement, ne s'offrait pas le droit à plus, il avait déjà trop fait.
* Je dois rêver.
Il murmura, tout bas, à peine un soupir. Il ferma à demi les yeux, s'efforça d'oublier ce doute qui lui serrait le cœur. Rosario était parti, il ne pouvait pas revenir comme ça, pas en un battement de cil, pas définitivement, pas réellement.
* Tu me manques tant que je deviens fou.
Ft. Aden
Il caresse calmement son torse, et dans la pénombre partagée, il dessine du pouce la ligne de son pectoral, effleure son épaule, l’aime en silence. Il se redresse enfin, retire l’élastique qui retient ses cheveux et en prenant appui sur son avant-bras près du visage d’Aden, revient le dominer. Mais rien de tout ça n’est plus un jeu de pouvoir, ce n’est plus cette querelle qu’ils aiment entretenir entre eux. C’est eux, tout simplement, sans artifice, sans mensonge.
Il ne le forcera pas. Ne lui imposera rien. Ils pourraient jouer à la force, à la contrainte, mais Rosario n’en a pas envie. Pas ici. Pas maintenant. Pas dans ce rêve éveillé qu’ils ont le droit de partager. De sa main libre, il parcourt délicatement la ligne charnue de ses lèvres, redessine le galbe séduisant de celles-ci, l’observe et le fantasme, l’adule et l’adore.
C'est murmuré, tout bas, un brin d'agacement qui souffle entre les lèvres d'Aden, il rouvre les yeux et se met à le dévisager fixement, il se redresse sur les coudes, laisse les rivières de feu de Rosario tomber sur ses épaules, caresser ses joues. Il pourrait le consumer, d'un regard, si facilement, et pourtant. Pourtant il n'en fait rien. Aden a tant à se reprocher, Rosario pourrait le détruire, il suffirait de quelques mots, n'importe lesquels, sortis de cette bouche. Mais non. Il ne sort rien, il ne lui balance rien, il demande juste un baiser. Aden sait qu'il n'en ressortira pas indemne. Que dès lors que ses lèvres embraseront leur envie maladie de rejoindre celles de Rosario, Rosario ne sera plus qu'un souvenir, un énième souvenir. Il en a conscience, c'est une évidence. Et pourtant.
Pourtant il le renverse, s'impose à lui, s'impose sur lui, bloque ses poignets et vient l'embrasser. Si c'est leur dernier baiser, autant qu'il soit à la hauteur de ses espérances. S'il doit l'embrasser, autant que ce soit un baiser à réveiller les morts.
Ft. Aden
Les lèvres d’Aden ont le goût d’un désir qu’il ne veut pas oublier. Il est cupide, avide, un seul baiser ne suffira pas à désaltérer sa soif de l’homme qui le surplombe désormais. Rosario ne peut pas lui accorder ça. Ne peut pas le laisser s’arrêter là. Les mots ne servent à rien, il étouffe simplement un gémissement au creux de sa bouche, arquant son dos pour venir répondre à l’échange offert, pour mordre cette langue perfide, pour clamer sa possession, son droit sur ces quelques secondes volées. Son droit sur Aden. Son droit d’être à Aden.
Rosario ne s’en tiendrait pas qu’à ça. Si Aden pensait l’avoir maîtrisé, il avait trop vite oublié à qui il s’adressait. D’une jambe dénudée puis de l’autre, le rouquin ne manque pas l’occasion de nouer ses chevilles autour des hanches étroites de son captif. Ses lèvres s’étirent d’un sourire enjôleur, le jeu reprend. Son jeu préféré.
Ses mains se tordent sous la prise trop ferme, mais il ne veut pas la voir se défaire, il en veut davantage. Et dans un soupir, comme un écho, comme à chaque fois, comme un mensonge.
* Rosario.
Il se redresse, roule les muscles de ses épaules, vient poser son front contre le sien. Il ne meurt que d'une envie, le supplier de rester, de ne pas l'abandonner à nouveau. Mais ce serait si égoïste de sa part d'en demander autant. Alors, Aden préfère viser moins haut. Il se rapproche, et là, au creux de son oreille, il murmure, les clos yeux.
* Dis moi que tu m'aimes. Une dernière fois.
Ft. Aden
Il ne relâche pourtant pas sa prise. Pas plus qu’Aden ne le libère. Et dans ce mouvement trop sensuel de ce corps, Rosario sait qu’il pourrait lui demander la lune et il se plierait à sa demande. Ça l’enrage plus que de raison, mais en aucun cas il ne saurait refuser. En aucun cas il ne répondrait pas à sa demande. Il s’en mordra les doigts demain. Regrettera ses choix, comme bien trop de fois avant ça. Mais il suffit d’un contact pour étouffer ses idées. Pour qu’encore une fois, il se noie dans la perfection qui lui fait face. Parce qu’il lit une chose qu’il ne comprend pas au fond de ses yeux. Mais il ne demande pas. Sait qu’il est le pire de tous lorsque l’on touche à ses secrets.
Alors il se plie encore. Use et abuse de la force pour libérer l’une de ses mains, non sans peine, et venir agripper sa nuque, le serrer plus étroitement contre lui, lui donner ce qu’il réclame. Ce ne sont pas que des mots. C’est une promesse qu’ils se sont gravés dans le corps, dans les os, dans tout ce qu’ils sont. Deux ennemis qui n’auraient jamais dû se rencontrer, deux porteurs d’idéaux trop opposés.
Il l’étreint, l’étreint à l’en blesser, l’étreint à s’en étouffer. Cette chambre a connu trop d’eux. A vu trop de choses. Cette chambre est leur purgatoire, le seul lieu où le reste du monde n’existe pas. Le sanctuaire de ce qu’ils sont devenus au gré des années. Il embrasse sa gorge, caresse sa peau, glisse ses doigts dans les cheveux trop ordonnés, trop soyeux. Combien de fois a-t-il voulu arracher cette perfection, la brandir comme un trophée, la faire sienne et la jalouser jusqu’à la dernière nuit des temps. Aden n’est pas à lui. Aden n’est pas à lui mais Rosario veut y croire. Veut croire qu’une parole peut sauver ce qu’ils sont devenus. Peut réparer tout ce qu’ils ont brisé autour d’eux.
Il l’étreint comme on dit adieu. L’étreint comme on serre une dernière fois l’être aimé alors qu’il rend son dernier souffle. Il l’étreint et susurre contre sa chair, la marque au fer rouge de ses mots. Le brûle et l’enchaîne à une malédiction qu’ils se sont mutuellement infligé.
Bien sûr que non, évidemment que non, il ne tirerait un trait ni sur Rosario, ni sur Altaïr, par la force des choses. Mais... tout de même. Il esquisse un soupir faible, un peu brouillon, brûlant contre la peau de Rosario. Rosario dit qu'il l'aime, malgré le fait qu'il sache, qu'il en soi intimement persuadé, qu'il s'en soit persuadé comme pour s'accabler un peu de ses actes, le coeur d'Aden cesse de battre, au moins quelques bref instants. Il étouffe, se noie dans ses propres pensées, des pensées sombres, chaotiques, des sentiments qu'il refoule parce que c'est plus simple de ne rien ressentir, c'est plus simple d'être... Lisse. Propre. Parfait sous tous les angles. Bien sûr, il ne l'est pas, et ne cherche pas à faire illusion lorsque Rosario est dans les parages.
Il est à deux doigts de le supplier de ne pas l'abandonner, encore une fois, mais il ne mérite pas cette attention, se refuse à la demander. Alors il reste silencieux, se love contre son amant, sa joue contre l'épaule du jeune homme, ses lèvres brûlent contre la gorge de Rosario, il pourrait le dévorer vivant. C'est ce qu'il se dit. Il devrait le dévorer vivant, l'emprisonner, en garder un peu, rien qu'un peu de lui. Pour ne plus ressentir cette solitude, ce vide infini qui le compose, qui le pousse toujours un peu plus dans ses retranchements.
Il s'est accroché à lui, lové comme un enfant cherche à chasser les cauchemars. Mais c'est en plein cauchemar qu'il évolue, éveillé. Un cauchemar qui ne semble pas vouloir en finir. Qui ne semble pas vouloir avoir raison de lui.
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