Tout ça c’est ce qu’il se dit sans réellement parvenir à énoncer la réponse que Leon attend. Sans savoir comment lui donner ce qu’il désire. L’idée lui coupe le souffle. A-t-il déjà prononcé ces mots à Clarice ? A-t-il seulement déjà vraiment goûté à ce genre de sentiments. Il se perd dans l’ambre de son regard et ses doigts s’agrippent à sa peau, à ses mèches embrasées, et dans sa voix, une supplique est tout ce qu’il reste. Une demande, une promesse. Il veut. Il veut de toute son âme.
Sa gorge est nouée. Il ne veut pas d’un autre. Pas d’une autre. Et la réalisation est aussi douloureuse que volage. Est-ce le coup du sort, le hasard ? Le simple fait que Leon incarne tout ce dont son cœur a besoin ? Il appuie son front au sien et ferme les yeux. Il a peur. Pour la première fois, Arun a peur de se livrer tout entier, corps et âme, comme il ne l’avait jusque-là fait qu’avec Clarice. Mais Clarice l’a brisé trop de fois. Il ne devrait plus avoir de confiance. Ne devrait plus croire qu’il a lui aussi le droit à être heureux. Il ferme pourtant les yeux et chuchote dans ce silence qui n’est qu’à eux.
Sa voix s’écorche, comme son cœur qui ne semble plus vouloir suivre toutes les erreurs qu’Arun a faites sur son parcours. Comme s’il n’y avait plus assez d’énergie dans ce monde pour dire combien il a besoin d’être aimé. Combien il a besoin d’aimer d’une dévotion éperdue. Combien il a besoin de pouvoir croire que quelqu’un l’aimera autant que lui peut aimer en retour.
C’était sûrement une illusion. Demain matin, ils n’auraient plus rien. Un songe éveillé. Mais il ose, ose embrasser à nouveau ses lèvres et peut-être lui faire mal sous la prise désorientée de ses mains.
Personne d’autre.
Pas même Abysse.
Je te le promets. Tu murmures, d'une voix sûre, tes mains sur ses joues, pour l'obliger à voir au fond de tes yeux toute la sincérité qui serre ton coeur. Oui, tu promets, tu promets de la même façon que tu as promis à 2021 de ne jamais l'abandonner, quand le professeur de la classe d'à côté s'était fait démettre de ses fonctions et banni. Oui, tu promets, et tu tiendras ta promesse, même si ça t'en coûte jusqu'à ton dernier souffle.
Quoi qu'il arrive, aujourd'hui comme demain, je te promets de t'aimer, et de t'apprendre à m'aimer en retour. Tu n'es sûrement pas agressif dans ta volonté de lui dire tout ça, mais tes mots sortent avec une détermination étrange, cette détermination maternelle qui secoue ton être de la même façon que garder ces enfants en vie est une obsession. Dans l'instant, Leon, tu es une lionne. Et tu n'as pas la moindre intention de le laisser filer. Alors, oui, peut-être qu'au delà d'une promesse, tes mots sonnes comme des vœux interdits, des vœux perdus, oubliés avec le temps.
Il n’y aurait rien dû y avoir pour le convaincre, rien. Arun n’a toujours fait confiance qu’à ses propres jugements. Il a toujours pensé savoir ce qui était le meilleur. Ce qui était juste. Mais là, dans l’or incandescent qui brûle au fond des prunelles de Leon, Arun se surprend à ne pas vouloir repousser son contact. A ne pas vouloir relever ses barrières. A vouloir laisser à Leon le droit de traverser les décombres de ce qu’il est devenu depuis toutes ces années.
Arun lui sourit, quelque chose de brisé, de sincère. Ça n’a rien d’élégant ou de séduisant, mais ça ne peut être plus vrai. Ses mains sur Leon tremblent presque lorsqu’il ose l’attirer un peu plus à lui. Lorsqu’il ose enfouir son visage contre sa gorge et y cacher toute sa vérité. Tout ce qu’il est, tout ce qu’il a échoué. Il est faillible, si faillible. Et Leon… Leon semble prêt à recoller les morceaux. Semble avoir une grandeur de cœur et d’esprit qu’Arun n’aura jamais. C’est sûrement ça, qui attire Arun. Ce don de soi incontestable. Cette aisance avec laquelle Leon s’était offert à lui. La violence avec laquelle il s’était accroché à un espoir. Leon le veut. Leon…
Si c’est une promesse éternelle, il veut en être. Il veut croire que cette fois, il peut avoir le droit à cette douceur. A cette assurance fragile et si belle qui luit au fond de Leon. Les yeux fermés, partageant sa chaleur avec cet homme qu’il avait désiré au premier regard, Arun apprend, le cœur lourd, qu’un compromis n’est pas l’amour. Que pour toutes les formes que ce sentiment peut prendre, il en est qui le blesseront jusqu’à sa mort. Que pour tout ce qu’il veut protéger ceux qu’il aime, il vient d’apprendre l’égoïsme entre les bras de Leon. Il a le droit d’aimer. Il a le droit de le posséder. Il a le droit.
Il s'est caché contre toi, il a accepté. Y a-t-il autre chose de plus important ? Le poids qui se libère de tes épaules est immense, infini. Ce poids qui semblait pouvoir t'écraser, te broyer de tout ton être, c'est presque comme s'il n'existait plus. Arun est là. Pour cet instant. Tu n'en demandes pas plus. Tu ne demandes pas plus que ces bras autour de toi, que ce souffle contre ta gorge, tu ne demandes pas plus que ce silence et cette promesse faites entre vous. Cette promesse que tu te jures de ne jamais briser, peu importe ce qui pourrait arriver.
Tu ne dis rien, parce qu'il n'y a rien à dire. Tu ne dis rien et glisses tes doigts contre sa nuque, contre ses cheveux, contre ses épaules, tu chantonnes, berce tout bas, comme on berce un enfant. Parce que c'est toi, et que tu n'as rien de mieux. Parce que c'est toi et que tu te jures qu'aujourd'hui plus personne ne daignera ne serait-ce que toucher au cœur d'Arun pour lui faire du mal. Et si ça te coûte toute ta volonté, alors soit. Tu es prêt à accepter, tu accepteras n'importe quoi, tant que c'est lui. Tu ne veux rien d'autre que sa sécurité.
Alors, lorsque tes yeux se ferment enfin et que tu soupires son prénom tendrement, c'est emplit du sentiment d'être en sécurité, d'être choyé et accepté tel que tu es. Lorsque tu t'endors près de lui, lorsque ton corps relâche toute la pression accumulée, tu pourrais presque sentir chacun des battements de son cœur contre le tien. Tu le sais autant que tu le sens, vos deux âmes sont désormais liées.
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