Arun ne mérite pas ça. Ne mérite rien. Ne mérite pas Leon. Il doit le lui dire. Doit le lui avouer.
Mais les doigts laiteux se referment sur son poignet, et comme cette marque au fer rouge, comme une créature rendue la simple possession d’un autre, Arun ploie sans pouvoir lutter. Le suit comme l’un de ces enfants que Leon couve de son regard protecteur.
Sa vertu n’avait jamais été une chose protégée. Arun est ce genre d’homme que beaucoup qualifieront de détestable. Cet homme que la majorité pense tromper sa femme. Pensent infidèle et ingrat. Arun est cet homme qui n’a jamais connu le sens de l’embarras à montrer son corps. La pudeur n’est pas une chose qui appartient au champ de son réel, s’agisse-t-il de lui-même ou des autres. Non. Arun est ce genre de personne qui ne s’impose pas de filtre. Qui ne regarde que les choses posées devant lui. Alors lorsqu’il sent son cœur se serrer en entrant dans la chambre de Leon, il réalise. Réalise après un délai que chaque chose que le charmant professeur avait pu lui dire avait un sens. Arun est sale, sale au fond de lui. Et Leon… Leon n’a jamais fait ça. Leon n’a jamais guidé un autre dans son antre. N’a jamais…
Il le rattrape, agrippe sa main du toucher le plus délicat dont il soit capable. Le retient et croise son regard, ne l’approchant pas, ne voulant pas le contraindre. Ne voulant pas lui voler plus que ce qu’il lui avait déjà pris.
Et puis tu arrêtes de penser, rien qu'un instant. Et ça te fait un bien fou.
Ne dors pas sur le canapé. Je veux que tu te sentes bien, et en sécurité. Je ne veux pas que tu te sentes de trop, je veux que tu te sentes chez toi. Un bref instant de silence, tu reprends ta respiration et relève les yeux vers lui pour plonger dans l'arctique des siens. Je veux dormir dans tes bras, Arun. Je veux que tu sois la dernière chose que je verrais, que je sentirais, avant de m'endormir.
Tu affiches beaucoup trop de détermination, en vérité. Tu es stupide. Te voilà écarlate à réaliser ce que tu dis, et pourtant, tu ne cilles pas, ne vacille pas. Tu n'affiche que cette étrange détermination. Tant pis. Si c'est ta chance alors soit.
Mais les secondes cessent de lui échapper lorsqu’il tire sur la main captive de Leon et ne réfléchit plus. Ne lui donne plus le temps de s’échapper. Il l’attire à lui et le soulève, haut, si haut. Il le soulève et le porte contre son cœur, un bras contre l’arrière de ses cuisses, sa main libre contre sa hanche. Oh, Arun pourrait être brisé, mais rien ne lui enlèverait l’aisance avec laquelle il avait tiré Leon du sol. Rien n’enlèverait les étoiles qui brillent au fond de ses yeux lorsqu’il lève le visage vers Leon, le plaçant là où il doit être. Oui, Arun le sait à cet instant précis. Si le soleil avait accroché des fragments d’étoiles au ciel, le seul responsable de tant de beauté, de tant d’espoir, c’était lui.
Et dans le silence de leurs deux souffles, Arun confie avec toute la douceur du monde, au milieu de cette peine qui noie son regard.
Si demain devait lui voler sa vie, il voulait chérir cet instant. Il voulait garder un peu de chaleur. Garder juste un instant de tendresse qu’il n’aurait volé à personne. Juste quelques secondes de douceur qu’Arun n’aurait pas volées au détriment de l’être aimé.
Juste une fois. Juste ce soir. Jusqu’à ce qu’il oublie. Jusqu’à ce qu’il ne reste que Leon dans chacun de ses souffles, dans chacune de ses pensées.
Ses mots sont si doux à tes oreilles, que bien sûr, ce qui suit ne fait pas l'ombre d'un doute : tu es en train de fondre dans ses bras. Heureusement pas littéralement, mais ça pourrait bien arriver. Tes bras autour de sa nuque, l'une de tes mains trouve le chemin de l'arrière de son crâne pour le soutenir et le caresser doucement, tendrement. Malgré le fait que vous ne vous connaissiez toujours pas tant que ça, tu as cette sensation étrange d'avoir tout le nécessaire pour apprendre à le comprendre. Oh Arun, je... Tu sais que c'était mal parti mais chaque mot qu'il dit suffit à faire paniquer ton cœur qui s'emballe et s'emballe encore. Bon sang, mais comment arrive-t-il à te mettre dans cet état. Tu souris à nouveau, un vrai sourire sincère, comme si tous tes doutes, tes inquiétudes s'étaient envolées. Tu vas vraiment réussir à me faire pleurer une nouvelle fois...
Tu sais. Tu semble te calmer un peu, ton sourire se fait plus faible mais toujours présent, tu n'as pas l'air triste. Arun, tu peux rester ici tant qu'il te plaira. Silence, tu détournes les yeux, les joues roses à nouveau. C'est sûrement stupide à dire, mais je ne te laisserai jamais dehors... Tu seras toujours le bienvenu. Oui enfin, c'était pas comme su tu prenais toutes les décisions pour te faire bannir dès demain aussi, pas vrai.
Une promesse qu’il ne fait pas à la légère. Une promesse qu’il a l’intention d’honorer jusqu’à sa mort. Il relève les yeux vers lui, boit ses paroles, se noie dans son regard et recule jusqu’au lit. Il se fiche que les draps y soient défaits. Non, il devrait être honnête. Il rêve de se noyer dans l’odeur de Leon. D’oublier le reste du monde. Il tremble sous ses doigts. Tremble à l’idée d’avoir emporté le droit à pareil miracle. Il tremble de ne jamais avoir eu la chance de faire le choix du cœur dans sa vie.
Lorsqu’Arun atteint le lit, il n’aurait jamais pu faire preuve de davantage de délicatesse. Il allonge Leon là, au creux de ses draps, dans le duvet de son propre cocon. Il devrait l’épargner. Devrait lui rendre sa liberté. Mais Arun le surplombe, le domine telle la créature qu’il est, implacable et en manque d’affection. Là, surplombant l’éphèbe de tout son corps, ses jambes de part et d’autre de ses cuisses, ses mains encadrant la cascade andrinople s’étant étalée sur les draps, Arun sait qu’il existe un point de non-retour. Il ne fait rien, l’observe, le choie de son seul regard.
Non, Arun en avait déjà trop fait. En faisait déjà trop. Sa simple présence pourrait les faire bannir tous les deux. Alors pourquoi cherche-t-il les doigts de Leon ? Pourquoi embrasse-t-il sa paume avant de la faire glisser sur sa joue. De la ramener, assoiffé de son toucher, contre sa nuque pour solliciter son affection ? Une flamme sans nom brûle au fond de ses yeux et Arun voudrait s’y consumer. Voudrait la voir briller aussi au fond des yeux de Leon. Voudrait…
Arun. C'est plus sérieux cette fois, mais tu ne te lasses pas d'avoir la chance de connaître son nom, d'être dans ce cercle proche, comme pour la première fois. Tes doigts vont et viennent entre sa nuque et ses cheveux, et distrait tu souris. S'il te plait, arrête de te poser des questions, pour ce soir. Et comme une promesse tacite, tu hoche doucement la tête. Et j'en ferai de même. Tu n'attends pas de réponse, cette fois c'est toi qui te redresse légement, agitant les cascades de feu pour venir chercher ses lèvres, c'est un peu hésitant, incertain, il serait dans son bon droit de te refuser ce baiser après tout, après ce que tu as fait, mais tu veux essayer, lui prouver que c'est bon. Que tout va bien. Que c'est lui que tu veux, que tu réclames corps et âme.
Les lèvres de Leon sont chaudes, tendres, terriblement incertaines. Et il n’en faut pas plus pour que le cœur d’Arun se fende d’un amour qu’il n’a jamais connu jusque-là. D’un quelque chose d’aussi innocent que l’homme qui osait s’offrir à lui. De l’une de ses mains, il fait lentement relever le menton à Leon et murmure contre ses lèvres, le souffle incandescent, la voix sombre d’une vérité à laquelle ils sont deux à donner vie.
Il baise ses lèvres sans insistance, caresse sa gorge, perd ses doigts dans la marée rougeoyante qui cascade contre ces épaules si délicieusement sculptées. Il veut lui offrir les plus belles choses du monde. Veut lui offrir quelque chose qu’il n’oubliera jamais.
Il caresse la pulpe de ses lèvres du pouce, tire à peine sur l’inférieure et la happe d’un autre baiser. Il veut apprendre le goût de la passion de cet homme contre sa bouche offerte. Caresser et apprendre du bout de ses doigts chacune de ses lignes et de ses courbes. Etouffer contre sa peau des soupires dont aucun d’eux deux ne pourront avoir honte.
Lorsque la pointe de sa langue rencontre la ligne encore serrée des lèvres de Leon, il n’y a rien de pressant, rien d’insistant, rien de plus qu’une invitation à plus. Qu’une promesse de lui faire voir tout ce qu’il voudra.
La voix d'Arun sonne douce à tes oreilles, et pourtant quelque chose dans ses mots provoquent un frisson incontrôlé contre ses lèvres, remonte tout le long de ton échine pour s'échouer là où la passion s'enflamme. Arun est en train de te guider, et malgré toute l'envie que tu as à apprendre par toi même à l'habitude, tu supplies juste qu'il n'arrête jamais. Il te rassure et te pousse, sans en avoir certainement conscience, à donner plus que tu n'as jamais donné.
Aussi, c'est son prénom que tu gémis tout bas, comme un secret, contre sa bouche alors que sa langue vient se faire pour curieuse, c'est aussi la dernière chose que tu dis avant de fermer les yeux et de t'abandonner à l'homme que tu connais à peine mais pour qui tu donnerais finalement tout. Tes lèvres s'entrouvrent à leur tour pour laisser ta langue venir rencontrer la sienne, luttant contre les petites décharges qui t'assaillent. Sans aucune connaissance des jeux de l'amour, tout cela te semble pourtant étrangement familier.
Ou peut-être est-il un faux saint. Peut-être est-ce dans la façon qu’il a de laisser sa main libre tomber à la taille de Leon. La façon qu’il a d’inverser leurs positions et, agenouillé sur le lit, de ramener Leon assis sur ses cuisses. Il aime lui donner cet ascendant. Il aime être enveloppé de cette pluie grenat lorsque Leon se meut, laissant cette rivière enflammée caresser sa peau halée. Peut-être est-il possessif dans ce geste d’attirer Leon contre lui d’une main au creux de ses reins. Reprend ses lèvres et fond sous chacune de ses caresses.
Alors s’il fuit le contact de sa bouche, c’est pour mieux vénérer chaque parcelle de sa peau. Embrasser la commissure de ses lèvres, sa mâchoire et descendre contre sa gorge. Il niche son visage contre sa peau, son menton reposant sur le vêtement encore trempé qui couvre son torse.
Arun souffle doucement, sa respiration contre la ligne pâle de sa peau, lorsque ses mains se glissent à sa taille, jouant du tissu, revenant caresser sa chair de ses lèvres. Doux, patient, encourageant.
Il ne sait pas où la nuit l’emmènera, non. Mais il sait qu’il suivra Leon peu importe où il ira.
Tu sens sans mal ses doigts jouer avec les bords de la chemise humide, tu sens un certain désir de la retirer, de chasser cette intruse froide de votre étreinte, tu ne peux qu'accepter, évidemment. Un simple hochement de tête et tes bras quittent son cou pour trouver les boutons et les défaire soigneusement. Quelques secondes plus tard, la chemise s'est échouée quelque part sur le lit, et tes bras sont repassés autour du mineur. Tu es glacé, frigorifié, ça te frappe à présent. Sans doute un effet de la pluie, mais ta peau glacée qui vient se blottir contre la sienne te provoque des décharges dans tout le corps. Tu peux avoir de moi ce que tu veux. Tu n'as pas l'air effrayé, pas le moins du monde, au contraire, tu n'as jamais eu l'air aussi calme, aussi serein, aussi sûr. Ton front ramené contre le sien, tu fermes les yeux et sourit encore, le chérissant dans tes bras. Mais pour ce soir, Arun, tu m'appartiens. A-t-il vraiment le droit de te refuser cette faveur ?
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