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Shoot me down but I get up ﻬ Ft. Spectre

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Déchu
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Les entrailles de la Terre n’ont jamais été aussi peu invitantes. Comme si les bas-fonds s’étaient dévoilés sous leur jour le plus funeste. 1652 préférerait ne pas être là. La pluie était devenue un problème majeur pour eux, dès son arrivée. Nombre de galeries avaient été inondées, laissant bon nombre d’entre eux forcés à s’entasser dans certains tunnels plus étroits, moins respirables. La stabilité de la roche y est discutable, et il faudrait sûrement des mois pour qu’après la pluie, les choses se calment. Mais encore faudrait-il que la pluie cesse. Et cette perspective ne semblait pas plus réelle que leur liberté.

1652 a attendu l’aube pour rejoindre les profondeurs. Les autres ouvriers de la mine sont agglutinés à l’entrée, discutant de leur état de fatigue, repoussant le moment où ils devront s’écraser les uns contre les autres. Lui n’a pas la patience. Pas l’envie d’échanger. Le monde s’effondre, et les ingénus continuent simplement de poursuivre le cours trop triste de leurs vies.

Le fond du gouffre n’est pas accueillant. Ses jambes sont trempées depuis un long moment. Il y a dans les tunnels les plus profonds de la mine, ceux liés directement aux souterrains par des voies dissimulées, un air plus pesant que jamais. 1652 n’a jamais été particulièrement anxieux en ces lieux. Pas avant la pluie, du moins. Et dans le clapotis incessant des rivières sales s’écoulant le long des murs, une odeur de mort se mêle à celle déjà si étouffante de la rouille. Même à bien connaître ces lieux, à les avoir arpentés des années, ses pas ne sont plus aussi assurés. Plus aussi certains de ce qu’ils rencontreront sur le sol. Il est intimement persuadé qu’ici-bas, les minerais et la terre ne sont plus les éléments régnant en maître. Et malgré la lueur de sa torche, le reflet sur l’eau brouillée de crasse s’étendant devant lui… Le tunnel ne lui a jamais semblé plus menaçant.

L’ironie est pourtant telle que c’est lorsqu’au loin, un son irrégulier comme une créature d’aventurant en eaux profondes. Il ne fait pas l’affront au monde d’interpeler qui ou quoi se trouvait au fond des boyaux du monde, non. Il fait même tout le contraire de ce qu’un être censé aurait fait. Il avance, comme si rien ne l’effrayait.

Et Abysse seul sait qu’il n’y a jamais rien eu de moins vrai.
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Tu as froid ; mais tu n’as pas le choix.
Tu te dois de continuer d’avancer ; de continuer à les chercher.

Voilà plusieurs jours que certains de tes camarades ne sont pas rentrés. La pluie ne cesse de tomber ; et vous craignez tous qu’il ne leur soit arrivé des broutilles. Les galeries que vous empruntez afin de vous déplacer ont, pour la plupart, été inondé. Vous en avez déduis qu’ils ont probablement été pris au piège (priant afin qu’ils aient pu trouver refuge). Mais les jours passent ; rien ne se passe. La peur a commencé à prendre le dessus ; vous êtes en train de perdre espoir de les revoir un jour. Il a donc été décidé que certains d’entre vous partirez à leur recherche ; on a alors fait appel à toi. Divisés en plusieurs petits groupes, seule une poignée ont décidé de faire chemin seuls (avis dont tu fais partie). Tu préfères avancer en solitaire ; tu juges que tu seras plus efficace (ça t’éviteras d’avoir quelqu’un dans les pattes).

Mais peut-être aurais-tu dû partir avec une autre personne. Bien que tu connaisses ces galeries sur le bout des doigts, elles ont une allure plus dangereuse, sont beaucoup moins acceuillantes (elles t’effrairaient presque). Tu aurais presque envie de faire demain tour ; mais tu n’as pas le droit de faire chemin arrière (tu te dois de retrouver tes confrères).

Alors tu avances. Tu t’enfonces dans les ténèbres (t’enfonces dans la gueule du loup). Tu es beaucoup moins à l’aise que d’ordinaire (ton corps tout entier est pris de frissons). Mais surtout, tu as froid ; tu es transie. Les pieds dans l’eau depuis quelques temps déjà, cette dernière commence même à remonter jusqu’à tes chevilles, tes mollets (tu n’es pas très grande alors bientôt, tu vas te retrouver sous l’eau si ça continue ainsi). Et elle est gêlée, cette eau (beaucoup trop froide à ton goût). Tu te risques à murmurer leurs prénoms (tu n’oses pas crier ; c’est plus fort que toi, tu n’y arrives pas). Frictionnant tes bras, tes yeux se posent çà et là ; espérants vainement de trouver réponses aux questions (où sont-ils ? Sont-ils vivants ?).

Sauf que tu ne vois rien.
Rien, hormis cette silhouette un peu plus loin devant toi.

Sans attendre, tu t’élances (le cœur gonflé d’un espoir illusoire). Mais plus tu t’approches, plus l’ombre devient un peu plus nette (et tu te rends compte que ce n’est pas un de tes camarades). Tu ne peux pas faire machine arrière, repartir comme si de rien n’était (ta course dans l’eau t’a trahi ; tu as fait trop de bruit). Qui plus est, que quelqu’un se trouve en ces lieux alors qu’ils sont inondés t’interpelle.

« Vous cherchez quelqu’un vous aussi ? »

Que tu as lancé ; paroles amèrement regrettées quand tu le reconnais une fois un peu plus proche de lui. Ton visage s’assombrit (il fallait que tu tombes sur lui).

« Si j’avais pensé tomber sur toi… Qu’est-ce que tu fou ici ? »

Ton ton est sec (bien que les environs soient humides, aha).
Déchu
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Sans aucun doute, le son claquant de la voix de Spectre, une fois qu’elle l’eut reconnu aurait pu être un détail de poids pour lui donner l’envie de lui rentrer dedans. Cette femme ne connaissait aucune limite, et celle du respect n’avait jamais été épargnée. Elle avait pourtant sonné si avenante, un instant. Un instant avant qu’elle ne reconnaisse 1652. Et aussi clair que le nez au milieu de la face… Le désamour est partagé. 1652 lève les yeux au ciel en la reconnaissant et soupire.

« Ce sont les mines. Les mines m’appartiennent. »

Ca pourrait presque sonner puéril, dans la façon où il prononce ces mots comme si un pénitent pouvait posséder une quelconque chose de plus que sa peau dans son état d’esclave. Mais il ne semble pas s’en déranger. Les mines ont toujours été son terrain de prédilection. Il n’allait pas reculer pour cette femme qui ne méritait en aucun cas d’être là.. Quand bien même.

« Tu as dit aussi. Ton clan a perdu des gens ? »

A bien y penser, Arun n’est même pas certain de savoir à quel clan elle peut appartenir. Les vagabonds gèrent leurs affaires d’une façon qu’il ne comprend pas. Et ce n’est ni la froideur colossale de Violence, ni l’incohérence des propos de Dante qui arrange la chose à son sens. Il soupire et approche d’elle. Elle a l’air glacée. Elle doit être ici depuis un moment. Il détourne les yeux.

« Certains mineurs ont disparu en allant évaluer l’état de cette galerie. Il paraît que la zone est instable à cause de l’eau. »

Il observe la partie de galerie d’où vient Spectre, avise celle dont il vient lui-même. Il n’aime pas l’idée de s’enfoncer avec elle dans les profondeurs de la terre. Mais une tâche commune parviendrait peut-être à les mettre d’accord, pour une fois.

« Il y a un autre réseau de tunnels un peu plus en contrebas. Je n’ai pas encore eu le temps d’y aller. Si tu veux. »

Ca sonne comme une offre de paix. Maintenant il ne restait qu’à voir si Spectre connaissait ne serait-ce que la notion de trêve.
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De tous, il fallait que tu tombes sur l’individu que tu ne portes pas dans ton coeur (chose réciproque). Quelles étaient les probabilités que vous vous rencontriez en ce lieu ? Tu ne saurais pas le dire, tu n’es pas une grande mathématicienne. Cependant, tu arques un sourcil. Les mines ? Scrutant les alentours, tu te rends compte qu’il dit juste. Tu n’as même pas fait attention que les galeries t’ont mené jusqu’ici (trop appliquée à les chercher ; trop concentrée à ne pas trépasser, faute au froid mordant). Et ça te frustre, de tomber sur lui en étant sur son terrain de jeu. Mais tout ce que tu fais, c’est avoir un ricanement.

« Ah, c’est nouveau, tout ça est à toi désormais ? »

Tu as bien compris ce qu’il entend par là (et tu sais pertinemment qu’elles ne lui appartiennent pas). Enfin, tu te serais bien contentée de poursuivre ton chemin, sans lui adresser une parole de plus. Mais voilà que sa voix s’élève de nouveau. Tu serres les dents, consciente d’avoir fait une erreur. Tu n’aurais pas dû formuler ta question ainsi car le voilà désormais au courant de ton objectif. Mais tu ne dis rien (dans un premier temps). Tu te contentes de garder le silence. Il n’a pas à savoir, ça ne le regarde pas le moins du monde.

Et tu voudrais reculer (au moins d’un pas) lorsqu’il s’approche de toi. Sauf que le froid t’empêche tout mouvement. Alors tu relèves légèrement la tête (parce qu’il faut le dire, il est quand même bien plus grand que toi), posant ton regard sur lui tandis que lui le détourne, tout en frottant légèrement tes bras (moyen de te réchauffer comme tu peux). Et tu hausses les sourcils quand il évoque le fait que des mineurs ont disparu en venant évaluer l’état de la galerie. Finalement, vous vous retrouvez avec le même problème.

« Je suis désolée. » Lances-tu à la suite de ses paroles. « Et pour répondre à ta question précédente… Certains de nos membres ne sont pas rentrés depuis plusieurs jours et nous n’avons pas de nouvelles. Les galeries étant notre terrain de jeu, nous craignons le pire à cause de l’inondation de ces dernières. »

Tu as dis ça, avant de lâcher un soupir. Si tu avais pu, tu te serais bien gardée de lui dire ça. Mais il a fait un effort ; tu t’es sentie obligée de faire de même. Ta tête se penche légèrement sur le côté quand tu le vois observer les alentours. A quoi peut-il bien réfléchir ? D’ailleurs, tu te dis qu’il ne faut pas que tu traînes (tu te dois de reprendre ton chemin) et tu t’apprêtes à le quitter quand il t’explique qu’il y a un autre réseau de tunnel en contrebas, qu’il n’y a pas encore été.

Et il te propose de l’accompagner.

Ecarquillant les yeux, tu penses avoir mal entendu. L’atmosphère est toujours tellement tendue que tu te dis que c’est impossible (le froid te rend folle).

« Pardon ? »

Simple automatisme (comme pour t’assurer que c’est bien la réalité). Secouant finalement la tête, ton regard fini par se noyer dans l’eau qui se trouve à vos pieds.

« Je, euh… Oui, pourquoi pas. » Bafouilles-tu.

Vous aurez plus de chances à deux, non ? Deux paires d’yeux valent mieux qu’une, c’est certain. Tu prends alors les devants, te remettant à marcher. Si un jour on t’avait dit que tu ferais équipe avec 1652, tu aurais probablement ris, répondu que ce serait une chose impossible. Mais aujourd’hui, vous avez un but commun (et il vaut probablement mieux que vous vous serriez les coudes).

« Ça fait longtemps que tu arpentes les mines ? » Lances-tu après plusieurs minutes passées dans le silence. « Enfin, je veux dire, que tu les recherches, les mineurs qui ont disparu ? »

Tu n’es pas forcément à l’aise, et ça s’entend au son de ta voix.

« Tu crois qu’ils sont encore… en vie ? » Finis-tu par demander dans un murmure, la voix tremblotante.

Cette fois-ci, c’est la peur qui domine.
La peur de ne pas arriver à temps (qu’il soit déjà trop tard).
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Pourquoi est-ce qu’il devrait ainsi s’étonner qu’une peine partagée puisse les associer ? Chaque rencontre avec Spectre s’était jusque-là soldée par la même déception. Il ne s’assimile pas aux vagabonds, non. Pour tout son attrait récent pour une certaine ombre de la nuit, il n’avait jamais ressenti le besoin, l’envie ou même une attirance quelconque pour l’idée de vivre dans les souterrains. Pour toute la peine qu’il pouvait se donner à tenter d’aider les pénitents à passer entre les mailles du filet du Conseil, il n’avait jamais réellement…

Son regard s’éclaire lorsque la jeune femme semble entendre raison, ou simplement accepter qu’ils puissent partager le même fardeau. Il reprend patiemment sa marche, ralentit le pas pour s’accommoder de la démarche de Spectre. Elle semble glacée. Il n’est pas capable de comprendre cet état. Pourtant il la surveille du coin des yeux, laisse échapper un son d’entente lorsqu’elle l’interroge, réfléchissant. Son calme apparent n’est qu’une façade. Il la comprend.

« Plusieurs jours. Plus d’une semaine, en réalité… Je commence à croire qu’il y a plus qu’une simple noyade dans cette affaire… »

Le commentaire est fait sans plus de précisions. 1652 sait qu’ici-bas, les hommes et les femmes ne sont pas aptes à nager. Oh, certains y parviennent sans trop de peine, mais la majorité se laisse dévorer par la panique et sombrent sans fin. Il se demande s’il y a un lien entre ces disparitions et cette rumeur dans les rues que depuis le bord de l’île, l’on pourrait entendre des sons indistincts et inquiétants. Lui s’était simple étonné de ce fait, là où d’autres commençaient à perdre leur raison face à une peur irrationnelle. La nuit ne l’effraie plus autant. Les ombres semblent être un refuge agréable. Peut-être était-ce sa naturelle affliction de mineur. Peut-être était-ce par attachement à ce qui lui permettait de rester en vie.

« Je ne sais pas. »

En réalité… il avait sûrement sa petite opinion. Il éclaire le chemin vers la nouvelle galerie, et ici, l’eau s’écoule sans que l’on puisse apercevoir l’horizon. La galerie est sinueuse, descend encore plus profondément dans les entrailles de la terre. Il n’y a rien ici. Rien qu’il ne puisse reconnaître sans inquiétude. La terre sous ses pieds lui semble instable, et il souffle à peine.

« Surveille où tu poses les pieds… Ces galeries sont instables. L’eau n’a certainement pas dû arranger la situation. »

Un silence.

« Je pense que s’ils sont morts, ils n’auront pas plus souffert qu’à être bannis. »

Est-ce réellement une bonne nouvelle ? Non. Ce n’est pas non plus de bon augure. Mais dans le craquement de la roche sous leurs pieds, Arun inspire, comme s’il pouvait présager la suite. Est-ce qu’il existe seulement un endroit plus bas que Terre ? Il n’en sait rien. Ils le découvriront sûrement ensemble.
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Tu n’es pas du genre à t’attacher aux autres, car les sentiments ne riment qu’avec problème. Mais ce sont tes camarades, ceux avec qui tu passes ton temps. Sans pour autant les aimer de tout ton coeur, ils n’en restent pas moins tes compagnons de route, ceux avec qui tu comptes changer et faire bouger les choses. Tu ne peux pas les abandonner. Tu dois les retrouver ; en vie de préférence. Cependant, tu écarquilles les yeux lorsque 1652 te réponds que cela fait plusieurs jours qu’ils cherchent les mineurs. Plus d’une semaine même. Ton coeur en loupe un battement. Vous auriez dû les chercher plus tôt, beaucoup plus tôt. Vous auriez tous dû vous inquiéter avant. Tu t’en veux, énormément.

« Plus d’une semaine… » Lances-tu dans un murmure tout en baissant la tête.

Un frisson parcourt même ton corps rien qu’à cette pensée. Depuis tout ce temps qu’il cherche et qu’il n’a rien trouvé… Ils sont fichus, c’est certain.

« Et tu n’as pas croisé des personnes n’étant pas des mineurs par hasard, durant tes jours de recherche ? » Qui ne tente rien n’a rien comme on dit (mais aux vues de ses dires, tu n’as que très peu d’espoir).

Enfin, serait-ce plus qu’une affaire de simple noyade ? Tu n’en sais rien. Pour tout dire, tu n’en as pas grand-chose à faire actuellement. Parce que tout ce que tu désires, c’est de les retrouver, sains et saufs. Pourtant, tu as malgré tout envie de connaître son point de vue là-dessus.

« Ça pourrait être quoi alors, selon toi, si ce ne sont pas que de simples noyades ? »

A vrai dire, tu n’as pas vraiment la tête à réfléchir quant au sujet. En plus, tu n’as pas envie qu’une partie de ton attention soit portée sur la création de théories hypothétiques qui pourraient t’empêcher de te concentrer totalement sur tes recherches.

Evidemment qu’il ne sais pas. Personne ne peut le savoir, s’ils sont encore de ce monde ou non. Une affirmation aurait pu apaiser les tourments de ton esprit ; mais tu sais qu’une telle assertion ne serait qu’un véritable mensonge. Tu te contentes donc d’acquiescer en hochant la tête, ton regard s’engouffrant dans la galerie que 1652 éclaire. C’est étrange, ce sentiment que tu as en les observant, ces galeries qui te sont pourtant si familières. D’ordinaire, elles paraissent beaucoup attrayantes ; beaucoup moins effrayantes. Ton instinct te hurle de partir d’ici ; qu’elles ne sont pas celles que tu as toujours connu. Son avertissement concernant l’endroit où tu poses tes pieds ne fait qu’agrandir ce mauvais pressentiment que tu as. Enfin, tu arques un sourcil à sa remarque suivante. N’auront pas plus souffert qu’à être banni ?

« Je ne pense pas que tu aies raison. »

Certains étaient heureux de leur statut de vagabond. Ils l’associaient à la liberté (comme toi tu le fais).

« Être banni n’est pas synonyme de souffrance pour tout le monde. Il y en a qui sont bien contents d’être des vagabonds. D’être libres » Dis-tu tout en insistant sur le dernier mot, tout en lui décochant un regard en coin.

Mais ça, il ne peut pas savoir ce que c’est, lui.

Suivant son conseil, tu continues ta route tout en prenant garde aux endroits où tu poses les pieds tout en épiant les alentours. Lorsque soudain, une odeur étrange, désagréable, vient martyriser tes sens olfactifs. Fronçant le nez, tu portes ta main vers ce dernier comme pour le cacher.

« On est d’accord qu’il y a vraiment une drôle d’odeur par ici, hein ? » Lances-tu avec dégoût.

Si tu le pouvais, tu prendrais tes jambes à ton cou.
Parce que tu as bien peur de savoir d’où elle provient, cette odeur.
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Le lieu est lugubre, pesant et rien ne pourrait plus soulager 1652 que de quitter cet endroit. Les mines ont beau être devenues son sanctuaire, le lieu n’était plus ce qu’il avait toujours été. L’atmosphère y est lourde et poisseuse, comme si la quiétude habituelle des réseaux de tunnels s’était laissée accabler par la moiteur des souterrains. Et pour tout ce qu’il n’était pas, d’ordinaire, sensible à ce genre de changements, la plus réelle inquiétude qu’il pouvait ressentir était la tension évidente de la jeune femme à ses côtés. Elle qui vivait dans les souterrains, n’aurait-elle pas dû être habituée ? Ou au contraire, l’ambiance ici-bas était-elle telle que même les vagabonds rôdant dans les souterrains la trouvaient intenable.

Il n’aura cependant pas le temps de s’éterniser sur le sujet. Il n’aurait de toute façon pas eu la force de retourner toutes les raisons évidentes pour lesquelles ce lieu était davantage un piège sur le point de se refermer sur eux plutôt qu’une bénédiction.

« Je ne parlais pas de vous. Je visais tout ceux qui n’ont pas eu la chance de pouvoir s’enfuir. Tout ceux qui ont fini dans l’eau. »

Tout ceux qu’ils pourraient peut-être retrouver ici, avec la montée des bas-fonds. Et l’idée le rendrait nauséeux s’il n’avait pas l’habitude de la conception infâme qu’était le bannissement. S’il n’avait pas lui-même tant donné pour essayer de sauver le plus grand nombre.

« Ta liberté et celle des tiens est inestimable. Et j’espère qu’on les retrouvera. »

Ça sonnait comme une trêve. Parce qu’ils étaient sur le même navire, même si pour seulement quelques instants. Même pour une traversée, le soutien qu’ils pourraient s’apporter l’un à l’autre ne pouvait qu’être inestimable. Alors c’est peut-être pour ça qu’Arun a baissé sa garde, même un simple instant. Qu’il a estimé que Spectre ne pouvait pas être un danger. Car elle ne l’était pas, malgré sa verve et ses répliques trop mordantes. Parce qu’il y a des choses bien plus dangereuses qu’eux deux au fond de cette abîme. Et l’odeur le prend à la gorge en même temps qu’il l’a rattrape à peine par le bras, comme pour lui intimer de cesser d’avancer.

« Le soufre. »

Parce que c’était forcément la première odeur infecte qui lui avait pris la gorge. Il tire l’une des bandes de tissu d’une poche qui n’était pas trempée et la noue à son visage pour protéger un minimum sa respiration. Un truc qu’eux les mineurs faisaient toujours pour se protéger ses particules fines. Par chance…

« Tiens, prends ça. On va en avoir besoin si on veut continuer. »

Ce n’était pas infaillible, ça ne les protégerait pas de tout, non. Mais au moins, ils pourraient… Ah, il ne savait pas, c’était probablement plus psychologique qu’autre chose, au final. Arun tend le second tissu à Spectre, il est souillé de suie, mais il ferait l’affaire. Il attend quelques instants qu’elle en fasse usage et lui lance un regard.

« Je doute qu’on trouve quoi que ce soit de bon au bout de ces tunnels… »

Et à mesure que les pas les enfoncent dans les gorges étroites des mines, l’odeur semble s’amplifier. D’une main posée contre la roche en soutien, il continue d’éclaire devant eux avant que là, à la surface de l’eau, à plusieurs mètres d’eux, une forme qui n’avait rien de connue… Et son sang se glace, non pas pour le cri strident d’un groupe de rats s’enfuyant le long d’une structure métallique servant d’étai à la mine, non. Parce que là, sur l’amas difforme, des vêtements deviennent très clairs. Et des cheveux. Arun ralentit le pas. Il n’est plus si certain que ça puisse être une bonne idée.

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« Mhh, je vois. »

Peut-être es-tu un peu trop à fleur de peau. Le stress, les lieux plus sinistres que d’ordinaire, le fait de l’avoir croisé lui plutôt qu’un autre. Tout ça accumulé et voilà que tu lui as répondu au quart de tour, sans même réellement réfléchir à ce qu’il entendait par-là. Enfin, tu espères sincèrement que tes camarades n’ont pas fini leurs jours dans cet endroit.

« J’espère que l’on retrouvera tes camarades également. »

Tu n’as pas envie de revenir sur le sujet de la liberté, l’ayant mal interprété auparavant. En revanche ce que tu viens de dire est sincère. Tu ne portes pas 1652 dans ton coeur, mais tu ne lui souhaites pas du malheur pour autant. La similitude de vos situations vous rapproche aussi, se mettre des bâtons dans les roues comme vous avez pu le faire avant n’est pas la meilleure idée qui soit.

Enfin, voilà qu’une odeur nauséabonde vient frapper tes sens olfactifs (un véritable supplice). Tu grimaces, fronces les traits de ton visage avec dégoût. Quand tu sens qu’il t’attrape le bras, tu t’arrêtes et te retournes aussitôt vers lui, tes mains plaquées devant ta bouche et ton nez. Le soufre donc. Tu n’es pas une experte en chimie mais tu te doutes rien qu’au nom que cela n’envisage rien de bon. Ça sonne comme quelque chose de dangereux.

« Merci. »

Attrapant le tissu tendu, tu le secoues vivement afin d’y enlever la poussière et la suie avant de l’attacher. Mince protection, tu prends soin d’essayer de réguler au maximum ta respiration. Les effluves qui parviennent malgré tout à tes narines te feraient presque tourner de l’oeil tant l’odeur est… putride ? Tes yeux s’écarquillent à cette idée.

« J’ai pas un bon pressentiment. » Que tu ajoutes à la suite de ses paroles.

Tu ne fais même plus attention au froid mordant qui s’attaque à tes mollets. Ton esprit est trop tourner vers les senteurs écoeurantes qui se font d’ailleurs de plus en plus fortes à mesure que vous avancez. Tu es obligée de prendre appui sur les murs tant tu sens ton corps vaciller. Mais lorsque tes pupilles se posent sur la forme noire qui gît devant vous, tu t’arrêtes automatiquement, comme paralysée. Seul le cri d’une bande de rat arrive à te faire sursauter un instant, avant que ton attention ne se fixe pour de bon sur la tâche au milieu de l’eau. Ta respiration s’accélère (tu as l’impression de commencer à manquer d’air), ton corps tout entier se met à trembler (tu es tétanisée). Tes yeux, ta gorge te piquent ; c’est très désagréable.

« Je… Dis moi que ce n’est pas ce à quoi je pense. »

Ta voix n’est qu’un murmure tremblant presque inaudible. Quand tu devines finalement des vêtements, des cheveux, une chaussure qui flotte à côté de la masse, ton sang ne fait qu’un tour. Cette idée te donne la nausée et aussitôt, tu te retournes, soulevant le linge que t’as donné 1652, afin de vomir un coup. Sauf que tu regrettes soudainement d’avoir soulevé le morceau de tissu . Certes il ne te protégeait pas totalement mais c’était une barrière non négligeable ; les relents se font plus forts.

« On peut pas rester là, on peut pas rester là, on peut pas rester là ! »

La panique s’entend clairement dans la tonalité de ta voix. Tu voudrais bouger, courir, mais tu en es incapable (tu n’es plus toi ; ou du moins, voilà une facette qui t’était inconnue jusqu’à aujourd’hui). En plus, une nouvelle sensation désagréable fait son entrée : tu as mal aux mollets. Comme si l’on te brûlait la peau. Tu commences alors à t’agiter, essayer de sortir une jambe après l’autre de l’eau comme pour les soulager.

« Il faut qu’on bouge 1652. J’ai l’impression que mes jambes se font grignoter ! »

Tu as peur.
Peur d’y laisser ta peau car tout ici semble rimer avec menaçant.

« Je veux pas mourir ici. »

Murmure que tu lances plus à toi-même qu’autre chose tout en fermant les yeux et en te frictionnant les bras.

C’était une très mauvaise idée de venir ici.
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La seule question qui lui effleure l’esprit n’est pas qui, n’est pas non plus comment. Non, la question qui frappe Arun en voyant le corps inerte dans l’eau, c’est pourquoi. Pourquoi était-il ici. Pourquoi les choses s’étaient-elles passées comme ça ? C’était de leur faute. De la faute du Conseil. De la faute de ce monde vil sur toute la longueur. Qu’il s’agisse de la montée des eaux, du bannissement ou des clans. Tout ça ne devrait pas être, et le réflexe involontaire qui le saisit d’essayer de rattraper Spectre lorsqu’elle continue d’avancer laisse le mineur, pour la première fois de sa vie, tétanisé par un sentiment de peur qu’il ne parvient pas à contrôler. Pourtant à regarder sa silhouette se détacher sur l’obscurité, contre le faisceau vacillant de cette lampe dansant au rythme de sa respiration, le mineur sait. Sait qu’il devrait lui dire de revenir. Qu’elle ne devrait pas-

« Spectre- »

Quelque chose ne va pas. Il le sait. Il sait que cette odeur n’est autre que celle de leur trouvaille, mais sa voix ne porte pas. Pas sous le voile de tissu, pas lorsqu’elle se retrouve prise au piège dans l’alcôve effrayée de sa conscience. C’est aussi prenant que la vision brisée de la jeune femme devant toi se courbant pour rendre ses tripes. Mais ce n’est pas ça qui te fige. Non. C’est le grondement trop caractéristique du métal hurlant sous le poids de la galerie. Qu’est-ce que vous foutez ici, c’est la seule idée qui le traverse lorsque son corps se met automatiquement en action et qu’il avance pour rattraper Spectre.

Aucun mot ne lui vient, pas quand il voit la chair rougie. Lui ne sent rien, mais il n’est pas aussi vulnérable. Il n’entend que cet écho lointain de la mine essayant de les dévorer tout entiers. Et le cadavre devant eux essaye de s’en prendre à tout ce qu’il reste de sain en eux. Presque rien. Lorsque son bras se referme sur la taille de la brune, il la soulève comme si elle ne pesait rien et dans son regard à lui luit une inquiétude flagrante. Ce bruit.

Ce bruit c’est celui qui a failli emporter Dante.

« Accroche-toi. »

L’ordre est à peine soufflé, et si leurs différends avaient jusque-là été tels qu’ils ne pouvaient se supporter, Arun ne pouvait concevoir d’abandonner Spectre ici. Pas ici. Pas lorsqu’il réalise en la soulevant comme un fétus de paille par-dessus son épaule que ses jambes sont brûlées, pas lorsqu’au loin, quelque chose semble remuer dans l’obscurité.

Elle ne touche plus le sol, ne touche plus l’eau, et lorsqu’Arun fait volte-face pour fuir, quelque chose semble le retenir. Une impression, une sensation désagréable. Une sensation qui le bloque, un regard sur leurs deux personnes. Sa gorge se noue lorsqu’il réalise, tardivement, que les mines ne sont plus un refuge sûr. Que cet endroit qu’il a appris comme la paume de sa main pourrait l’engloutir.

Et lorsque son regard se pose sur ces deux perles rubis au fond de l’obscurité, l’idée qu’il puisse s’agir d’Abysse ne l’effleure pas. Non. Abysse n’est pas terreur. Abysse-

Ses pensées se coupent alors que dans l’eau, le remous agité de ses pas précipités les éloignent tous les deux de cette tombe souterraine.

Au loin, la roche cède.
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Ton monde s’effondre.

Il n’y a plus que toi face à cette masse noirâtre dont l’image se grave doucement mais sûrement sur tes paupières tandis que ton regard ne la quitte pas. Sur tes pommettes roulent quelques larmes qui ont réussi à s’échapper et à trouver leur chemin jusqu’ici.

Il n’y a que toi face à la Mort. Tu en oublies un instant la douleur qui parcourt tes mollets, cette sensation d’être brûlée. Tu en oublies 1652, l’eau, le froid qui habitait ton corps jusque-là, les odeurs, les bruits, l’obscurité. Car si les environs sont sombres, tes yeux, eux, distinguent parfaitement ce qui se trouve devant eux.

Tu te sens si petite. Tu te sens si faible. Tu te sens si frêle. Tu te sens tellement impuissante.

Qu’est-ce que je fais ici ?
Pourquoi est-ce qu’il a fallu que les choses tournent ainsi ?
Depuis quand est-il là ?
Pourquoi a-t-il fini comme ça ?
Quel jour sommes-nous ?
Quelle heure est-il ?
Où sommes-nous ?

Je
Veux
Partir.


Dans ta tête tout vacille ; tout s’entrechoque. Tes idées, tes pensées, tes réflexions. Plus rien n’est à sa place ; plus rien n’a sa place. L’effroi qui t’anime est tel qu’il a annihiler le peu de capacité de jugement qu’il te restait. Tu n’es plus capable de réfléchir ; tu n’es plus capable de rien faire. Alors, sans même que tu ne puisses contrôler quoi que ce soit, tu éclates en sanglots. Tu portes tes mains sur ton visage comme pour écoper les torrents de pleurs qui noient ton visage. Tes jambes flanchent ; tu chancèles (et déjà tu te vois submergée dans ces eaux usées).

Et dans les ténèbres brille soudain une lumière : toi qui te voyais trépasser te retrouves rattrapée par 1652. Peut-être est-ce à ce moment que tu reprends tes esprits ; que tes pensées sont soudainement clarifiées. Tu entends alors ce bruit sourd qui vous menace (qui te fait frissonner). Le contact de l’air sur tes mollets brûlés accroit tes souffrances (mais tu te contentes de serrer simplement les dents ; après tout, il y a plus grave actuellement). Ton petit corps encore pris de spasmes dû aux sanglots, tes doigts s’agrippent au vêtement de 1652 lorsqu’il te dit te t’accrocher.

« Merci… » Faible murmure, petit mot que tu peines à articuler, lourd en émotions.

Merci, malgré tout, de me sauver la mise.

Si tout n’est pas encore totalement clair dans ta tête, tu arques légèrement un sourcil quand il fait volte-face mais qu’il ne continue pas sa route. Tu te dis alors que lui aussi doit avoir mal aux jambes, que peut-être il lui est finalement impossible de te porter et de marcher en même temps. Tandis que vous semblez tous les deux complètement perdus, affolés, terrorisés, cela n’empêche pas les mines de continuer de gronder.

Finalement, 1652 se met à courir. Tu ne peux réprimer ce petit soupir de soulagement (bien qu’au fond, tu sais qu’il ne faut pas crier victoire trop vite ; que vous n’êtes pas encore sortis de là). Le regard légèrement relevé et plongé dans l’obscurité derrière, tu as un petit cri quand un énorme bruit se fait entendre. L’eau commence à s’agiter étrangement ; à monter un peu aussi.

« On va finir comme lui si ça continue… »

Remarque à toi-même que tu as faites à voix haute. D’ordinaire combative, tu es actuellement d’un pessimisme sans nom. Tu ne peux t’empêcher de te dire que vous allez finir par y passer, tous les deux. Alors, tu ne peux t’empêcher de fermer les yeux, de baisser la tête et de poser ton front contre le dos de 1652.

« Je suis vraiment désolée, pour tout… »

Sous entendu les mauvais coups que tu as pu lui faire, les remarques, tout.
Vous ne vous appréciez pas et pourtant, tu ne veux pas perdre la vie sans t’être excusée avant car finalement, c’est de ta faute si vous ne vous entendiez pas bien jusqu’à aujourd’hui.
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