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05-M-1138
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Gardien
Pour oublier un amour malheureux
il se donna à d’autres
et maintenant il ne se rappelle plus cet amour
parce qu’il confond tous ses malheurs.
il se donna à d’autres
et maintenant il ne se rappelle plus cet amour
parce qu’il confond tous ses malheurs.
Par un réflexe sot, 1138 se retourna pour s’assurer que personne ne l’avait épié lors de son inspection de deux barils discrètement entreposés au fond d’un des sas de livraison de son immeuble.
A l’intérieur, des cuves en inox où un moût de pomme de terres fermentait depuis plusieurs jours. Il s’adonnait à une petite transgression, la distillation. En plus des barils qu’il avait placés à plusieurs endroits stratégiques, il avait installé un alambic à colonne dans un lieu où lui seul avait accès : le sous-sol. Le gardien sortait seulement six bouteilles d’alcool de tubercule par récolte, c’était sa petite production personnelle. Le reste du temps il se satisfaisait de faire du cidre, le procédé de fabrication était bien plus simple, mais en plein air, ce qui demandait au moins un complice. Il ne fallait pas chercher plus loin pour comprendre comment était née son affinité avec le maraîcher du 15e.
A présent sa nuit de ronde était terminée, plus rien ne le retenait de regagner sa loge pour roupiller quelques heures. Enfin le salut !
A moins que... Un bougre venait de rentrer dans le sas. Il marchait en direction de 1138, le regard rasant, les épaules basses, une démarche de clebs, le froc noirci de partout. En dépit de sa dégaine sortie d’un trou à rats, il titillait instinctivement la curiosité. Il donnait l’impression d’un type qui en savait trop.
“16 c’est toi mon vieux ?” accueilla 1138 en lui ouvrant les bras. En l’espace de deux secondes, il avait fait une croix sur son capital sommeil. Pas grave, ce gars était la famille qu’il s’était choisi.
A l’intérieur, des cuves en inox où un moût de pomme de terres fermentait depuis plusieurs jours. Il s’adonnait à une petite transgression, la distillation. En plus des barils qu’il avait placés à plusieurs endroits stratégiques, il avait installé un alambic à colonne dans un lieu où lui seul avait accès : le sous-sol. Le gardien sortait seulement six bouteilles d’alcool de tubercule par récolte, c’était sa petite production personnelle. Le reste du temps il se satisfaisait de faire du cidre, le procédé de fabrication était bien plus simple, mais en plein air, ce qui demandait au moins un complice. Il ne fallait pas chercher plus loin pour comprendre comment était née son affinité avec le maraîcher du 15e.
A présent sa nuit de ronde était terminée, plus rien ne le retenait de regagner sa loge pour roupiller quelques heures. Enfin le salut !
A moins que... Un bougre venait de rentrer dans le sas. Il marchait en direction de 1138, le regard rasant, les épaules basses, une démarche de clebs, le froc noirci de partout. En dépit de sa dégaine sortie d’un trou à rats, il titillait instinctivement la curiosité. Il donnait l’impression d’un type qui en savait trop.
“16 c’est toi mon vieux ?” accueilla 1138 en lui ouvrant les bras. En l’espace de deux secondes, il avait fait une croix sur son capital sommeil. Pas grave, ce gars était la famille qu’il s’était choisi.
@08-M-1652
Déchu
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Ft. 1138
Un demi sourire fleurit sur les lèvres d’Arun avant de quitter les recoins les plus sombres du onzième quartier. Peut-être que dans la nuit, croiser d’autres ombres, des pénitents cherchant eux aussi leur chemin aurait dû l’inquiéter. Mais depuis son incartade avec Léandre… Il avait seulement le sentiment qu’il devait finir les dernières choses qu’il n’avait pas réglées. L’une d’entre elle portait la figure familière et entartée de terre d’un ami qu’il s’était fait il y a si longtemps qu’il en aurait presque oublié leur rencontre.
Le cinquième est toujours aussi silencieux. La nuit est douce, et les plantes poussent à leur rythme. Même en passant par les sous-sols des bâtiments, l’odeur de l’humus est toujours aussi prenante, et pour un simple mineur comme Arun, agréable. Est-ce qu’ils avaient besoin de plus que de la nature pour trouver un peu de paix ? Il était intimement persuadé que cette simple chose lui suffirait. Retrouver Alim est toujours aussi aisé qu’à l’accoutumé, et l’apercevoir penché sur ses bidons arrache un sourire à 1652 qui s’approche et lui donne une tape sur l’épaule avant de serrer ses doigts là, contre le muscles somme toute assez détendus de l’autre homme.
Les paroles ont beau être rêches, le ton est doux, comme à un vieux frère. Il soupire et passe finalement son bras autour des épaules de l’autre homme, en bonne camaraderie et se penche sur la cuve.
Ou peut-être était-ce simplement une fin.
05-M-1138
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Gardien
Cette accolade était la meilleure chose qu’il soit arrivée à Alim depuis des semaines, bien plus que ça même.
“Tu connais mon secret, je fais des masques de boue tous les jours vieux con.”
S’était-il fait surprendre en vérifiant le baril de fermentation ? Il avait subitement un doute, qu’il balaya aussi vite. Arun était une tombe, peu de chance qu’il se soit transformé en pipelette depuis le temps. C’était plutôt lui qui avait dû muscler son bagou, par compensation.
“Rien à voir ici, allez on va se jeter des coups à la loge. ”
Lui emboîtant le pas, le gardien se ravisa un peu. Il crevait de lui poser un tas de questions banales, prendre ses nouvelles, celles de Clarice. Pourtant, il se sentait retenu par quelque chose. Peut-être avait-il perdu l’habitude de la présence ténébreuse du mineur ? Quoi qu’il en soit, fallait-il donner avant de recevoir. Une fois entré dans sa loge, Alim commença à se livrer :
“Le 5 devient craignos tu sais, l’autre jour un mec s’est fait décapiter dans un champ. Et devine sur qui ça retombe ? Bibi reçoit une convoc de la milice 3 jours après ! La vagabonderie aura not’ peau, en face ils nous laisseront crever la nuque ouverte.”
Soulevant un carré du carrelage qui pavait le sol, le gardien dégagea une boîte en fer blanc. Il épousseta avec précaution la terre déposée sur le couvercle, cligna furtivement les yeux vers la porte de la pièce, pour une fois fermée. Rassuré, il ouvrit la cassette et en sorti deux flasques translucides. Il en était tellement fier, à se demander si ces petites bouteilles n’était pas comme ses propres rejetons.
“Mate-moi ces reflets ! C’est du beau boulot, qu’on vienne pas me dire le contraire.”
Lorsque Alim tendit une des flasques à son ami de toujours, il sentit à nouveau quelque chose lui peser, sans comprendre pourquoi. Mais il n’aimait pas montrer son côté sentimental, aussi inventa t-il un prétexte bidon.
“Tu te souviens du pari qu’on avait fait juste avant nos affectations ? J’avais tout misé sur un taff au 5 pour toi. Coquin de sort va, tiens jte donne cette flasque, en souvenir de cette vie qui n’aura pas eu lieu.”
Encore ému par son geste, Alim se reconnecta soudainement avec la réalité.
“Tu l’as pas déjà descendue j’espère ?”
@Déchu
“Tu connais mon secret, je fais des masques de boue tous les jours vieux con.”
S’était-il fait surprendre en vérifiant le baril de fermentation ? Il avait subitement un doute, qu’il balaya aussi vite. Arun était une tombe, peu de chance qu’il se soit transformé en pipelette depuis le temps. C’était plutôt lui qui avait dû muscler son bagou, par compensation.
“Rien à voir ici, allez on va se jeter des coups à la loge. ”
Lui emboîtant le pas, le gardien se ravisa un peu. Il crevait de lui poser un tas de questions banales, prendre ses nouvelles, celles de Clarice. Pourtant, il se sentait retenu par quelque chose. Peut-être avait-il perdu l’habitude de la présence ténébreuse du mineur ? Quoi qu’il en soit, fallait-il donner avant de recevoir. Une fois entré dans sa loge, Alim commença à se livrer :
“Le 5 devient craignos tu sais, l’autre jour un mec s’est fait décapiter dans un champ. Et devine sur qui ça retombe ? Bibi reçoit une convoc de la milice 3 jours après ! La vagabonderie aura not’ peau, en face ils nous laisseront crever la nuque ouverte.”
Soulevant un carré du carrelage qui pavait le sol, le gardien dégagea une boîte en fer blanc. Il épousseta avec précaution la terre déposée sur le couvercle, cligna furtivement les yeux vers la porte de la pièce, pour une fois fermée. Rassuré, il ouvrit la cassette et en sorti deux flasques translucides. Il en était tellement fier, à se demander si ces petites bouteilles n’était pas comme ses propres rejetons.
“Mate-moi ces reflets ! C’est du beau boulot, qu’on vienne pas me dire le contraire.”
Lorsque Alim tendit une des flasques à son ami de toujours, il sentit à nouveau quelque chose lui peser, sans comprendre pourquoi. Mais il n’aimait pas montrer son côté sentimental, aussi inventa t-il un prétexte bidon.
“Tu te souviens du pari qu’on avait fait juste avant nos affectations ? J’avais tout misé sur un taff au 5 pour toi. Coquin de sort va, tiens jte donne cette flasque, en souvenir de cette vie qui n’aura pas eu lieu.”
Encore ému par son geste, Alim se reconnecta soudainement avec la réalité.
“Tu l’as pas déjà descendue j’espère ?”
Au rendez-vous des bons copains
Y avait pas souvent de lapins
Quand l'un d'entre eux manquait a bord
C'est qu'il était mort
Oui, mais jamais, au grand jamais
Son trou dans l'eau n'se refermait
Cent ans après, coquin de sort
Il manquait encore
Y avait pas souvent de lapins
Quand l'un d'entre eux manquait a bord
C'est qu'il était mort
Oui, mais jamais, au grand jamais
Son trou dans l'eau n'se refermait
Cent ans après, coquin de sort
Il manquait encore
@Déchu
Déchu
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Ft. 1138
Alors il le suit sans répliquer quoi que ce soit, haussant simplement les épaules, sa large carrure se glissant dans le sillage de celle du brun, l’air attentif à chaque chose, chaque son, chaque mot, malgré son air nonchalant et ses mains vissées dans ses poches. Il a fait tomber le bleu de travail, il n’est pas pour autant sur son trente et un. Un simple t-shirt, un pantalon d’une toile sombre, il n’a pas l’air aussi fatigué qu’à l’accoutumé. Comme s’il avait passé une bonne nuit la veille…
Mais Arun sait. Il était là. Il avait vu le regard de Dante. La peur sur le visage de Violence. Les choses devenaient compliquées pour les vagabonds. Elle-même le lui avait dit. Qu’ils avaient de nombreux blessés… Mais de là à couper des têtes, Arun n’était pas persuadé de pouvoir cautionner ce genre de comportement. Peut-être devrait-il penser à en parler à Dante… Peut-être savait-il quelque chose. – Ah, quel pauvre ingénu, croyant encore en l’innocence du meurtrier lui-même –.
Par bonne mesure, une fois dans la loge et la porte fermée, il récupère l’une des quelques chaises et bloque la porte avec. La paranoïa était un allier courant. Ça ne ferait aucune différence, maintenant.
Oh, petite boutade pour critiquer son travail ? Peut-être. Il lui lance un sourire amusé et lui prend l’une des bouteilles des mains pour l’observer, là, sous la lumière blafarde des néons.
Bien sûr que ça n’était pas que pour ça. Mais cette flasque, il la garde avec lui en permanence, là, dans sa poche. Il la sort de là, métallique et peut-être bien plus crade qu’elle ne l’avait été au tout départ, mais c’est une usure d’amour et d’affection.
Et les jours de coups durs ne cessaient plus vraiment de pleuvoir.
Ils s’étaient disputés, encore. Et quand Arun s’assied à l’une des chaises de la petite table de la loge, il pose la bouteille là, sans sembler se morfondre davantage. Il soupire et pose la flasque sur la table avant de revenir fouiner dans l’une de ses poches, en tirant un petit sachet en toile.
Souffle-t-il en donnant une légère pichenette à la bouteille d’alcool. Mais sur la table, dans le petit sachet en toile, se tiennent des années de recherche et d’attention. Il s’était promis, il y a longtemps, d’offrir à Clarice le plus beau des bijoux. Un collier serti d’un ensemble magnifique de cristaux de tellure. Oh, oui, le travail n’était pas nécessairement digne d’un joaillier, mais le résultat en était malgré tout à couper le souffle.
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