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Il n'aurait jamais côtoyé autant de mioches que ces derniers temps. Alors qu'il les déteste, rappelons-le. Il ne se souviens pas de son lui d'avant, mais il suppose que lui aussi devait être baveux et gesticulant comme eux, il n'y a pas de secrets, ils sont tous passés par là. C'est aussi l'occasion rêvée pour croiser 11-M-1004 et échanger quelques mots, quelques sourires - bien vite il s'était retrouvé fasciné par le rayon de soleil qu'il était, il supposait ne pas être le seul.
Naturellement, il entendait les rumeurs, et ce qu'on chuchotait entre deux salles de classe. Naturellement, il avait vu les deux silhouettes qui erraient parfois autour de la cour de récréation. Génial, il avait soupiré et levé les yeux au ciel. Personne ne semblait foutu de faire dégager les gêneurs, ça ne le surprenait pas, il fallait dire qu'il était habitué avec les parasites qui polluaient le Conseil. Il ne faisait pas dans la dératisation d'ordinaire, surtout dans le district Onze, mais il s'était motivé à prendre le taureau par les cornes et à s'occuper de ce problème lui-même. Il n'y avait pas besoin de bannir. Il n'avait pas le coeur à le faire; il ne voulait pas se l'avouer, mais c'était le cas. Mais il ne voulait pas qu'il y ait de taches dans son district.
Il y en a pas mal, de parents désespérés, de pauvres âmes qui cherchent à revoir leurs mioches une dernière fois, avant d'en être séparés pour toujours - parce qu'une fois que les gamins grandissent, impossible de les retrouver, il suppose. Amaury ne sait pas, ça. Pourtant, il pourrait. Essayer. Aller trop loin. Pourquoi pas. Il a des coups de folie comme ça. Bien sûr, cela le mènerait à sa perte; mais alors qu'il observe la grande silhouette immobile sur le trottoir, au loin, il se jure de ne jamais avoir à connaître ce genre de grand désespoir. De toutes manières, enfoncé dans la neutralité comme il est, il ne devrait même pas avoir ces pensées. Il les chasse d'un froncement de sourcils ennuyé.
Finalement, ses pas le mènent de l'autre côté de la rue, vers l’intrigante personne. Grand, très différent des gens de ce district. Amaury est tout sourire, les mains jointes derrière son dos alors qu'il vient à ses côtés, en silence.
Alors pourquoi s’est-il extirpé de ses ombres si connues pour venir s’exposer ainsi à la lueur du jour ? Il n’y aurait probablement aucune explication sensée à apporter. Un désir de désobéissance. Un appel du chaos. Une envie inexplicable et irrépressible. Elle le lui reprocherait probablement lorsqu’elle le réaliserait. Leur entente ne battait pas de l’aile, mais il n’y avait rien à faire contre ses interrogatoires répétés. Après tout, elle était certainement la plus savante d’eux deux. Ou du moins, c’est ce que le système laissait croire.
Le jour n’est pas encore venu à son terme, et pourtant le voilà rendu devant cette bâtisse aux couleurs ternes et insipides. Rien ne dissocie les bâtiments du District 11 si ce n’était les inscriptions gravées sur les longs tréteaux de fer surplombant les grilles désobligeantes bloquant l’accès des géniteurs à leurs enfants. Nul ne sort de son chemin pour retrouver sa progéniture. Ce n’est pas comme ça que le monde fonctionne. Ce n’est plus comme ça qu’il fonctionne, tout du moins.
La fin des classes a déjà donné. 1652 se tenait déjà devant les grilles avant même que la cloche ne sonne, avant même la dernière pause avant le long retour au pensionnat. Il est à ce même endroit, sur ce même trottoir qui n’a pourtant rien d’attirant, ainsi caché sous la lueur blafarde d’un lampadaire commençant lentement à clignoter jusqu’à la vie. Le monde est une routine détestable. Alors pourquoi lui qui déteste cette routine s’obstine-t-il à reproduire ces mêmes actions à chaque fois ? Chaque itération aussi lente et décevante que la précédente. Le monde ne changera pas du jour au lendemain. Pas ici. Pas jamais.
Les vagues d’enfants courant vers la liberté se succèdent jusqu’à ce qu’un chœur de babillements et de jeux s’entrelacent dans les rues du District 11. Dans le parcours insouciant d’enfants courant d’un bout à l’autre de ce monde qu’ils pensent être leur univers, le regard de 1652 se trouve naturellement captivé par les reflets incarnats d’une chevelure désordonnée. Aucune mimique ne vient étirer son faciès, aucune trace de la candeur qui peut être éveillée à la vue d’un chérubin heureux. Non. Lui n’est qu’une ombre. Une ombre dans ce tableau aussi immaculé que ne l’était la peau claire de la créature ayant captivé quelques instants son regard. Et sans qu’il n’y fasse rien, les secondes s’égrènent, oubliant le temps, oubliant les fondements de cette vie qu’ils mènent tous depuis même le plus jeune âge.
Il aurait dû se douter qu’un rituel né d’une simple coutume ne pouvait pas être acceptable dans ce cycle sempiternel qu’était celui de leur société. Car pour tout ce qu’il luttera contre ce monde, il persistera à le faire du fond des entrailles de la Terre. Jamais en pleine vue. Du moins pas jusqu’à ce jour.
Le regard terne et froid se pose sur les lignes trop soignées d’un visage qu’il ne reconnaît pas. Cependant, il faudrait être né de la dernière pluie pour ne pas reconnaître l’étoffe délicate et soyeuse d’une tenue tissée pour ceux qui n’étaient d’ores et déjà plus soumis à la routine. Observant un instant l’homme, 1652 reste impassible, laissant à peine un son répondre à la remarque de l’autre homme. Allait-il se joindre à lui ? Allait-il convoquer la milice et requérir de son bannissement ? 1652 ne serre même pas ses mains au fond de ses poches. Il est implacable. Indescriptible.
Une bonne réponse, à n’en point douter. 1652 reporte son regard vers cette marée humaine, retrouvant sans peine l’objet de son intérêt. Ne laissant pas un seul signe vendre ses pensées. Pensait-il seulement à cet instant précis ? 8027 dirait certainement qu’il était plus qu’inconscient.
Un désir de désobéissance. Un appel du chaos.
Les premières bribes de paroles sortent difficilement d'entre ses lèvres, parvenant à peine à trouver leur chemin, terrées au fond de sa gorge. Oh, bon sang. Ça ne devrait pas être si difficile, lui qui d'ordinaire est si bavard. D'habitude, il trouve chaque mot avec précaution et aise, il sait les choisir, il sait dire ce qui fait mal ou ce qui fait du bien. Là, par contre...
Le destin refuse qu'il prononce le moindre mot. On lui refuse le droit de parole de la façon la plus barbare possible - en fait, il se prend un ballon en plastique dans le coin de la tête violemment, et tombe. C'est fou, cette manie de se trouver systématiquement au mauvais endroit, au mauvais moment. Surtout qu'honnêtement, il a l'air ridicule, là. Il se doit néanmoins de saluer la performance ; la balle a été envoyée par une petite tête blonde, qui ne devrait pas avoir autant de force et de précision. C'était fantastique, tant de force pour un si petit être, mais pour l'instant Amaury est trop sonné pour vraiment parvenir à réfléchir correctement. Fort heureusement, cela ne fait pas mal, et il ne heurte, curieusement, pas le sol. Mais il a au moins perdu une poignée de neurones dans le processus. Oh, bon sang. Heureusement que le ridicule ne tuait pas, hein.
Pas plus lorsque, n’ayant en aucun cas détourné son regard trop clair des yeux sombres, 1652 lut l’intention de répliquer chez l’autre homme… soldée par le bruit creux et presque lyrique d’un ballon rouge percutant la tête de l’homme. Le mineur réagit par pur réflexe lorsque son bras rattrape naturellement l’autre homme par la taille, lui évitant de rencontrer l’amour de sa vie auprès de l’asphalte rugueux de la rue. Et dans le brouhaha du District 11, le “pouinc pouinc pouinc” régulier d’un ballon continuant son chemin est la seule chose confirmant au basané que oui, il venait bel et bien d’assister à cette scène.
Sa première réaction est d’aider l’homme à se remettre dans une position verticale correcte. Se penchant prudemment sur lui, la tête légèrement inclinée sur le côté, il cherche son regard, l’ombre d’un sourire manquant d’étirer la commissure de ses lèvres. Mais le ton d’amusement s’entend parfaitement dans le timbre de sa voix.
Une fois assuré que l’homme n’allait pas chanceler, il le relâche lentement, observant le petit attroupement d’enfants qui s’étaient précipités à la grille, clairement dans l’attente de récupérer leur ballon - malgré quelques rires clairement destinés au pauvre homme qui avait servi de gardien de but involontaire… ou peut-être avait-il plutôt la carrure d’un panier masochiste -. Heureusement que ces chérubins ne risquaient rien. 1652 n’était persuadé que rire au nez de ce qui se rapprochait très probablement d’un responsable de District soit une idée ingénieuse si on ne voulait pas finir banni.
Un froncement de sourcil et 1652 finit par aller récupérer le ballon qui avait roulé jusqu’à la chaussée, ne voulant pas risquer un dérangement sur la route. Il revient vers le grand blessé le ballon sous le bras et l’interroge, curieux.
Cette fois-ci, le demi sourire est lisible au coin de sa bouche, ourlant à peine ses lippes. Non, il n’est pas moqueur, vraiment… Juste un peu chaotique et mesquin. Rien de nouveau sous le soleil.
En tous cas, se faire rattraper in extremis par la-dite fourmi est un réconfort moindre face à l'immense humiliation qu'il vient de subir. Il aurait pu se la jouer détendu, pour chasser l'embarras au plus vite, mais honnêtement, il est bien trop mortifié pour avoir la moindre réaction. Il se contente d'observer le pénitent en reprenant ses esprits, réagissant à peine à ses moqueries, et se redresse pour de bon.
Quelle indignité. Son regard se pose finalement sur le plus grand, qui entre temps est allé chercher l'objet de tout ses malheurs, et qui le regarde goguenard. Ça lui rappelle vaguement le regard qu'on lui adresse au Conseil, en général, et il soupire lourdement.
Il saisit le ballon, des étoiles virevoltant encore devant ses yeux. Ça lui apprendra à se nourrir et à dormir aussi peu. Il est aussi fragile qu'une vulgaire feuille d'automne.
Voilà ce qu'il marmonne simplement, avant de se diriger tranquillement vers le portail de l'école, observant la masse informe de mômes qui le suit, piaillant et riant. De bonne grâce, il leur rend leur jouet, non sans les réprimander - parce que, tout de même. Un peu de tenue. Finalement, son regard dérive alors qu'il essaie de trouver une chevelure rousse bien connue, perdu dans ses pensées. Ce serait bien, que 1004 soit là. Bien sûr, il ne souhaitait pas qu'il ait assisté à ce spectacle pitoyable, cependant... Ce serait un peu de baume sur son humeur massacrante. Mais il lui semble être coincé avec son pénitent désagréable de deux mètres de haut. Génial.
Mais l’autre homme n’a pas besoin de le savoir.
Le brun s’avance enfin en direction des grilles et le mineur le suit de quelques pas en retrait. Sa dernière remarque le laisse malgré tout perplexe. Observant la masse d’enfants s’approchant du brun, 1652 décide d’approcher à son tour, ses pas plus mesurés. Et dans la foule infantile, la masse rousse et désordonnée de 3793 se démarque sans peine. Son visage à lui est aussi fermé qu’à l’accoutumé. Même lorsqu’il glisse à nouveau sa main contre le dos du grand seigneur semblant quelque peu chancelant. S’il tombait sur un enfant, cette histoire prendrait une tournure impossible. Aucun d’eux deux ne voulaient probablement se retrouver dans cette situation.
Au vu du silence quelque peu curieux de l’autre, 1652 adresse un sourire rassurant aux plus petits et finit par s’accroupir, se mettant à leur niveau.
Les quelques secondes que les informations prennent à s’imprimer dans les caboches de ces petites têtes blondes laissent voir ces regards s’illuminer. Dans un cri de guerre lancé à l’unisson – l’amour vache semble encore être à l’ordre du jour à cet âge-là – une ruée d’enfants vint s’amasser contre les jambes du conseiller, manquant de la faire chavirer, mais d’une main solide, 1652 le maintient par l’arrière de la cuisse. Une large vague humaine finit par les encercler, et comme si ce comportement était normal, 1652 fut également englouti dans l’étreinte collective.
Ils allaient probablement se faire reprendre. Mais il était en présence de ce qui lui semblait être le responsable du District. Il n’allait quand même pas se prendre un nouvel avertissement quand l’origine de la cohue se trouvait être un représentant du Conseil… ?
Relevant les yeux en direction de l’autre homme, les yeux clairs du pénitent captent la danse gracile de longues mèches andrinoples laissées libres au gré du vent. Lorsqu’il rouvre les yeux, avortant son choix d’observer le brun, le sourire qui a fleuri sur le visage de 1652 porte une note de tendresse qu’il plaidera avoir adressé aux enfants.
Si seulement.
viendez voir monsieur. y a la jolie dame qui est revenue !
Tu t'étais relevé en vitesse, comprenant dans les mots désordonnés du petit qu'il s'agissait de personne d'autre que le responsable de ton quartier, Amaury. Et s'il était revenu, ce n'était probablement pas une bonne nouvelle - même si, tout de même, ça te mettait du baume au cœur de le revoir. Tu savais qu'Amaury était dans le quartier aujourd'hui, tu avais entendu des collègues en parler en arrivant en classe - un peu en retard ! Tu t'étais couché très tard la veille ! - mais tu n'imaginais pas qu'il ferait une apparition dans l'école. Et en vérité, rien ne te préparait à ce que tu allais voir en sortant, 2021 accroché à ta main.
Amaury, certes, mais il n'était pas seul. Ton cœur avait manqué un battement en reconnaissant 1652. Oh non. C'était certain, il s'était fait prendre. C'était certain, tu étais le prochain. Tu jetais un regard vers 3793 pour t'assurer que la petite était toujours là, mais elle faisait parti des enfants qui s'était jetés sur Amaury pour lui réclamer des câlins. Après tout, ils lui avaient fait forte impression la première fois. Et sans que tu puisses clairement mettre des mots dessus, tu t'efforçais de faire en sorte qu'il tisse un certain lien avec les enfants, comme si ça pouvait les protéger du monde à venir. Bien sûr, c'est vain, tu le sais, mais bon, à ton échelle tu ne peux pas faire grand chose de plus. Enfin, tu te fais déjà les pires films dans ta tête en voyant les deux hommes face à toi mais t'efforces de réagir aux enfants, tout sourire.
Hé bien, on dirait que vous allez être nombreux pour la lecture cette après-midi.
Tu inclines poliment la tête en direction d'Amaury, le trouvant comme toujours rayonnant, mais pas de la façon dont les gens l'entendent. Tu vois quelque chose de spécial chez Amaury, tu ne saurais l'expliquer.
Heureux de vous revoir parmi nous aussi rapidement, Amaury.
Tes yeux se posent - à nouveau, malgré toi tu n'as pu t'en empêcher - sur 1652, tu déglutis difficilement, te fais violence pour le dissimuler. Pitié que personne ne te réclame ton téléphone, cette nuit encore tu répondais à son unique message de la semaine, en l’inondant de choses stupides, futiles. Lorsque tu croise son regard, tu te jure de ne pas avoir l'air aussi anéanti que tu l'es, mais ton cœur est en miettes, tu es peut-être plus livide qu'à l'accoutumée, tu prétendras être un peu fatigué si on te demande.
Qui est-ce ?
Ça va vite dans ta tête, tu ne sais pas si tu vas devoir prétendre ne jamais l'avoir vu et être trahi par d'éventuels films pris par des caméras, s'ils savent déjà tout au conseil, si Amaury vient simplement t'annoncer que c'est fini, tu vas devoir dire au revoir aux enfants. 2021 resserre ta manche, ce gamin est malin, il perçoit sans mal tes doigts qui tremblent doucement.
Môsieur Leon, est-ce qu'on va goûter avec la jolie dame et son copain ?
Oh, comme tu aimerais.
Les enfants étaient tout bonnement insupportables. Mignons, certes. Et encore. Enfin, ce n'était rien face au pénitent qui se tenait à ses côtés, alors il se retenait de lâcher une remarque cinglante. Ce n'était que des enfants. Ils étaient stupide, c'était normal. C'est ce qu'étaient les enfants. Stupides. Voilà tout. Pourquoi est-ce qu'il se fatiguait à tenter de garder la moindre contenance ? Pitié. Il tapota gentiment le crâne d'une petite gamine rousse qui s'était blottie contre lui, pensif.
En parlant de roux, un nouvel arrivant le poussa à relever de grands yeux presque surpris. 1004. Ce cher, très cher 1004. Amaury ne l'attendait plus. Comme un rayon de soleil parmi les nuages sombres, il lui redonnait un peu de vitalité. Amaury se sentait comme une vieille plante abandonnée sous l'escalier d'un immeuble mal famé. Mais 1004 lui redonnait un peu d'espoir. Il en avait besoin.
Il lui adressait un sourire qui se voulait un tant soit peu accueillant, mais vraiment, il faisait juste plante sous escalier, là. Pas grave. Au moins, il aura essayé. Finalement, 1004 pose une question, curieux probablement. Et le cerveau d'Amaury souffre soudainement d'une petite crampe. Oof.
Un regard au pénitent dont il ne connaît même pas le matricule. Bon sang. Il aurait pu dire la vérité, la simple et triste vérité, mais quelque chose le retient ; son instinct, l'envie de se creuser une tombe sous le bitume peut-être, qui sait.
Un gamin s'exclame joyeusement soudain, lui coupant presque la parole, racontant comment Amaury s'est pris un ballon dans la tête et ; Amaury n'a plus vraiment les mots. Sa main s'agite vaguement vers le môme.
Que quelqu'un le sauve, par pitié.
Ses prunelles sont posées sur les lignes élégantes de l’homme qui a brûlé sa chair au fer blanc. L’albâtre de sa peau plus immaculé que jamais. La tenue qu’il revêt dans toute son austérité ne met que trop en valeur les rivières rubicondes s’éparpillant élégamment le long de ses épaules, s’écoulant en perles écarlates sur le tissu aux nuances charbonneuses. Son sourire ne s’essouffle pas. Pas lorsqu’il aperçoit cette petite main au creux de la sienne. Pas lorsqu’il réalise qu’il n’aura pas besoin d’une excuse pour l’observer à la dérobée.
C’est ainsi que l’identité de son compagnon d’infortune lui est révélé. Amaury. Ainsi il s’était bel et bien frotté à un membre du Conseil. Nul autre que le représentant du District 11. Les iris givrées parcourent la svelte courbure de son corps et devant le subreptice tremblement, 1652 prend l’intérêt qui lui est adressé comme son signal, se relevant de toute sa stature pour venir enserrer les épaules d’Amaury, forçant l’homme à prendre appui sur lui plutôt qu’à le voir possiblement s’échouer sur cette mer infantile.
La trivialité du discours est tissée d’un mensonge si fin qu’il n’essaye même pas d’essuyer ce sourire amusé qu'arborent ses traits, ni même cette lueur de jeu luisant dans son regard. Raffermissant sa prise sur le conseiller, il tend prestement sa main libre à l’élégant roux, une pointe de lascivité caressant sa voix tandis qu’il offre à 1004. Non. Leon.
Lorsqu’il retire sa main de celle de l’enseignant, rien ne l’empêche de laisser ses doigts parcourir la paume pâle un instant de plus qu’il ne le faudrait. Mais le geste est trop mesuré pour paraître suspect ou indécent. 1652 tourne à nouveau son regard vers le pauvre homme contre son flanc puis sur les enfants, semblant pensif.
Il relâche doucement sa prise sur le brun lui rendant son droit sur son équilibre et porte à nouveau son attention sur 1004, l’air désolé, quand bien même l’intention n’effleure pas son regard. Cette pointe de malice toujours ancrée-là, comme un secret qu’ils étaient les seuls à pouvoir comprendre.
Les exclamations de quelques enfants approuvant ses dires eurent l’effet d’estomper son amusement. Il ne devait pas oublier le risque qu’il leur faisait courir. Il devait rester prudent. Dieu seul savait de quel genre de patience étaient forgés les membres du Conseil. Et pour toute vulnérabilité qu’Amaury avait daigné lui montrer, il serait inconscient de sa part d’en abuser.
Ce n’était peut-être pas le destin. Mais il aurait aimé pouvoir forcer sa chance encore quelques instants, pense-t-il en perdant à nouveau l’ordre de ses idées au fond des lagons d’or lui étant si gracieusement offerts.
Vous devriez vous asseoir un instant, Amaury.
Tu hésites, recule un peu, jette un regard aux enfants qui s'agitent et discutent de comment le ballon a tapé fort dans la tête du conseiller, tu perds subitement ton sourire. Tu apprécie Amaury, plus que tu ne le devrais, toi qui flirt un peu trop avec le danger ces derniers temps. Tu devrais faire attention, c'est évident, mais bon, c'est plus fort que toi, tu recule un peu, traînant au bout de ta manche un 2021 devenu soudainement tout timide devant les deux quasi inconnus.
Venez à l'intérieur, nous serons mieux.
Tu n'avais aucune envie de savoir que des caméras curieuses étaient en train de vous observer, tous autant que vous étiez, tu ne voulais pas faire courir le moindre risque aux enfants, aussi. Enfin, les enfants avaient doucement entraîné les deux adultes à l'intérieur, précédé par ton humble personne. Tu avais déjà fait entrer Amaury dans cette pièce toute particulière qu'était ta classe, ton havre de paix. Pleine d'arcs-en-ciel, d'animaux étranges, de dessins en tout genre et surtout de couleurs vives, belles, joyeuses. Seul endroit où tu te sentais chez toi, seul endroit où tu te sentais en sécurité. Tu inspire doucement avant de jeter un regard à 2021 puis te baisse pour te mettre à sa hauteur et plonge ta main dans ses mèches rousses, un peu sauvages.
Va au réfectoire et demande un grand café latté, s'il te plait mon coeur.
Tu murmure, il hoche la tête et déguerpis plus vite que la lumière, tu souris, attendri, avant de tirer une chaise pour Amaury, puis d'offrir la chaise de ton bureau à 1652. Tu préfères pour ta part t'asseoir sur le bord de ton bureau. Alors que le silence entre vous s'installe quelque peu - entrecoupé des rires et des piaillements des enfants - tu leur jette un sourire avant d'agiter la main.
Les enfants, vous avez déjà posé plein de questions à Amaury la dernière fois, mais vous n'êtes pas curieux de savoir d'où vient notre nouvel ami ?
Et il n'en faut pas plus pour que les enfants inondent 1652 de questions. Tu veux juste faire en sorte qu'il passe un bon moment, et qu'Amaury puisse enfin souffler un peu.
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