Les yeux secs, je tournais la tête pour prendre mon téléphone et regarder l’heure. 3h16 du matin. Une nouvelle nuit sans sommeil, tourmentée par les mêmes démons, encore et encore, sans échappatoire. Je ne dormirai sans doute pas aujourd’hui. Après un long soupir, je m’extirpais du lit mollement, en direction de la salle de bain. Je me passais de l’eau froide sur le visage. Quitte à faire une pseudo-nuit blanche, autant se réveiller dès maintenant. J’avais l’air d’un zombie, pour l’instant, avec des cernes excessivement grandes. Nouveau soupir. Quelque part, mieux valait qu’il soit aussi tôt. Je me sentais apathique, la séance maquillage allait sans doute prendre bien plus de temps que prévu. Je devais absolument gommer ces poches disgracieuses sous mes yeux. L’élégance avant tout ! L’étape de peinturlurage facial passée, ce fut au tour de mes cheveux. Je les brossais doucement, démêlant quelques mèches au passage. Prendre soin de mon apparence me permettait d’être focalisée sur autre chose, et donc de ne pas repenser à ce qui me dévorait de l’intérieur.


Le toilettage terminé, il fallait que je me change de ma tenue nocturne pour porter quelque chose de plus acceptable pour une virée dehors. Pour être honnête, je ne savais même pas si j’allais sortir bien loin de chez moi. Je sentais toujours le poids de la fatigue sur mes épaules. Ouvrant mon armoire pour choisir de quoi me vêtir, mes yeux passèrent en revue les nombreux cintres occupés. L’indécision, influencée par mon flegme actuel, rendait le processus plus long que nécessaire. Mon regard s’arrêta sur une robe rouge échancrée emplie de souvenirs aigre-doux. Des réminiscences portant le même visage que celui de mes démons. Secouant la tête, je finis par choisir quelque chose de plus simple. Un T-shirt, sur lequel se pose une veste noire, ainsi qu’un jean effilé au niveau du dessus des cuisses, et des baskets tout ce qu’il y a de plus ordinaires.


Prête, je pris mon téléphone, regardant l’heure. 4h22. Le mettant dans la poche droite de mon jean, je sortis, verrouillant la porte à clé. L’air frais nocturne me fit du bien, à défaut de pouvoir apprécier la douce étreinte ténébreuse de la nuit. Vivre dans le district 5 avait ses avantages, mais aussi ses inconvénients : une lumière artificielle permanente. Il fallait bien que les arbres fruitiers poussent … Réajustant ma veste, je décidais de laisser mes pas me guider. Je repensais à tous les récents événements, et en particulier à ce tremblement de terre. C’était bien la première fois qu’un telle chose arrivait à INNERA_13. Je n’avais aucune idée de ce qui pouvait bien avoir causé cette catastrophe, comme tout le monde. Ou peut-être que certaines personnes savaient ce qu’il se passait ? Notre Président, par exemple, pourrait bien avoir des informations. Jamais je ne pourrais discuter avec lui, vu le gouffre hiérarchique qui nous séparait. J’aimerais tant savoir ce qui se passait ici, depuis quelques temps … D’abord la montée des eaux, la pluie, et maintenant un tremblement de terre. L’esprit de fouine qui m’habitait était particulièrement titillé.


Lorsque je relevais la tête, j’eus un petit rire vide. Je me tenais devant un endroit qui m’était plus que familier. Un endroit possédant mon outil de travail principal. Un endroit où d’ici quelques heures, je devrais me tenir. La planche des exécutions. Je m’approchais du bord, sans peur, restant à une distance suffisamment sécuritaire pour ne pas tomber. Et je m’assis, le regard mélancolique, braqué sur l’horizon. Y avait-il quelque chose, là-bas ? Quelque chose qui pourrait expliquer les récents événements ? Tant de questions, et si peu de réponses … Posant ma tête contre le mur, je fermais les yeux quelques instants, sentant une vague de fatigue me gagner. Juste quelques minutes ...