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C'était de bonnes excuses. Lumière était étrange. Il ne savait rien d'elle, au final. C'était un vagabond, mais un vagabond qui n'avait pas l'air d'appartenir à un clan en particulier, or ils avaient bien compris que les vagabonds s'étaient regroupés. En meute comme des animaux pathétiques qui cherchaient à se rendre inquiétants, dangereux. L'intimidation fonctionnait peut-être sur d'autres, mais pas avec Amaury.
C'était le beau milieu de la nuit et il était assis dans un coin de sa salle de bain, son chat à ses pieds, le regardant avec de grands yeux ronds, curieux. Amaury souffrait. C'était normal, c'était naturel, c'était l'apparat des individus de son genre. Amaury avait la haine, mais y avait-il un moment où il était calme et posé ? Pas vraiment. Il poussa un soupir en se redressant difficilement, le félin sur ses talons, et avait saisi son portable dans sa poche. Le sms envoyé à Aden avait été court, avare de détails. Il lui demandait simplement si c'était possible qu'il vienne à son appartement. Maintenant, tout de suite. Oh, il verrait bien.
∗ Tu m'as fait peur.
Il lâche, tout bas, et trahit sans mal qu'il s'en fait pour lui. Il aurait davantage pris son temps sinon, il aurait peut-être repoussé au lendemain qui sait, mais il est là, maintenant et il le regarde alors que l'inquiétude s'efface de ses yeux. Il n'avait qu'à s'en prendre qu'à soi-même, il n'avait qu'à lui demander si c'était urgent, si c'était grave. Il l'avise de longues secondes puis ferme les yeux finalement.
* Est-ce que tout va bien ?
Il se relève à nouveau. Il n'aurait jamais dû se rasseoir sérieusement, mais ça fait mal. C'est si difficile de devoir s'accommoder à la douleur alors qu'il n'est censé jamais la ressentir. Il soupire. Aden doit être au courant - il est tout le temps au courant. C'est un peu embarrassant. Comment il sait, d'abord ? Enfin bref. On s'en fiche. Son coeur recommence à danser la lambada dans sa poitrine alors qu'il observe Aden, maintenant plus ou moins à sa hauteur.
Et il a fait une bêtise, aussi. Peut-être qu'Aden a remarqué, comment Léandre agit désormais, comment ils s'évitent. Alors qu'ils étaient plutôt complices, auparavant. Ah, Aden a sûrement remarqué. Amaury ne sait toujours pas s'il va lui avouer. Il baisse les yeux sur son chat qui feule, et fuit Aden, allant se cacher à l'autre bout de l'appartement. Très bien.
Il prend sa main doucement et le tire jusqu'au canapé, le faisant s'asseoir pour venir se poser près de lui, ni trop proche, ni trop loin.
* Tu as toute mon attention.
Il lui jette un regard, et s'essaye à un sourire tendre, un sourire doux, de ces sourires volés qu'ils échangent de temps à autre, au détour d'un couloir.
Il pouvait toujours se tromper. Il soupire à nouveau, se rapproche un peu d'Aden.
Les gens ne disparaissaient pas comme ça, à moins de s'appeler Abysse, aux dernières nouvelles.
* Entre nous, j'espérais que tu ne me parles pas de tout ça. J'espérais même passer une soirée en tête à tête.
Il rit, tout bas, un rire léger et franc, un rire chaud qui tranche terriblement avec sa façade froide et lisse. Et puis, il se refait un peu plus sérieux.
* Lumière, tu dis. Ça ne me dit rien. Quelqu'un qui disparaît, ce n'est pas courant. C'est vrai qu'Abysse fait ça, on m'a souvent rapporté ses passages, et on le voit distinctement disparaître des caméras. Peut-être qu'à termes tous les vagabonds ont ce genre de pouvoirs, je n'en sais pas grand chose.
Il n'y avait pas eu d'études ou quoi que ce soit à ce sujet, malheureusement pour eux. Il reporta son attention sur le plafond du salon d'Amaury, il avait l'air terriblement pensif, mais sa main s'était encore resserrée autour de la paume du responsable.
* Si même les vagabonds les plus étranges viennent à ta rencontre pour te mettre en garde...
Il était mort d'inquiétude, c'était évident.
Son coeur se serre un instant.
Il a baissé le ton, comme on évite de prononcer un nom de mauvaise augure. Il se demande si c'est sa faute, si c'est lui qui a apporté la malchance sur le dos de Lucian. Ou si Lucian était la cible de quelque chose qu'ils ne pouvaient comprendre depuis longtemps. Mon dieu, il a le cerveau en vrac. Rien que d'y penser, rien que d'y penser... Enfin bref. Il ferme les yeux, papillonne un peu des cils pour chasser les larmes. Allez. Lucian est vivant et ils allaient le retrouver.
C'était timide, et maladroit, mais au moins il l'avait dit.
* C'est ce que je veux. Passer une soirée avec toi.
Sourire léger, fatigué, avant qu'il ne reporte son attention sur le responsable, il entremêle leurs doigts, calmement avant de le détailler, si longtemps qu'on dirait qu'il essaye d'apprendre par coeur chaque courbe de son visage.
* J'ai la sensation que les occasions seront rares, je préfère en profiter un peu.
Il n'hésite pas tant que ça lorsqu'il lâche sa main finalement et glisse son bras autour d'Amaury. C'est fait doucement, sans violence, il veut juste le ramener à lui, il veut juste le sentir, vivant, contre son corps. C'est tout ce dont il a besoin. Lorsqu'il ferme les yeux, il a posé sa bouche contre la tempe d'Amaury.
Ses joues étaient rouges et le doré de ses yeux brillait un peu alors qu'il plongeait son regard dans celui d'Aden. Il lui adresse un sourire, un sourire qu'il espère du fond du coeur être sincère.
Il se redresse un peu et plante un baiser sur la joue d'Aden. Sur la joue, enfin, sur la commissure de ses lèvres, mais il n'osera pas, il a peur, et c'est bien normal. Imaginez si Aden le détestait, au final.
* Ça va, ton ventre ?
Il demande, lorsqu'il rouvre les yeux et qu'Amaury est tout proche de lui. Sa main libre posée sur ce dernier, il semble s'inquiéter avec une étrange sincérité. Il frotte, doucement, plein de tendresse, des gestes qui semblent tout de même maladroits.
* Si je peux faire quelque chose, quoi que ce soit, dis le moi Amaury.
Peut-être qu'il la sent, la faille. Peut-être qu'il l'entend, le coeur d'Amaury. Qui sait. Il se penche, hésite rien qu'un instant, de tout briser, de tout détruire, et vient déposer un baiser contre les lèvres d'Amaury. Elles lui semblent glacées.
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