Est-ce qu’Ezra avait réalisé qu’il avait complètement terrorisé l’élève en venant le chercher ainsi à l’école ? Avait-il réalisé que son manque d’explications de ses agissements à l’instant même lui tournait l’estomac à l’envers et lui serrait la vessie ? Ezra avait-il même un tant soit peu remarqué le trouble, la peur et le désespoir dans les yeux verts du gamin ? Absolument pas. Du moins, pas tout de suite. Pas volontairement. Le jeune homme l’avait suivi malgré tout sans poser de questions, comme un petit chien bien obéissant –  ne se doutant pas une seconde qu’il se sentait plutôt comme un petit animal effrayé avec un allé simple pour l’abattoir – laissant comme seule impression à Ezra que le gamin était discipliné, rien de plus… Bref. Puis ils étaient entrés dans le bureau, l’étudiant avait pris place, il avait pris place. Rien de bien spécial. Il avait ouvert la bouche, remarquant miraculeusement un léger changement dans la posture de 1200, une sorte de raideur, un inconfort. Mais il avait chassé cette pensée presque aussitôt, première erreur. Et il avait continué de parler, sans mise en contexte, innocemment. Deuxième erreur.

Et ce fut un brutal déversement de paroles sans fin, sans respirations, une spirale infernale mélanger à des larmes qui se mirent à couler sur ses joues pâles. Uh, oh.

Un peu surpris de cette réaction quelque peu explosive, il ne s’était pas du tout attendu à ce genre d’aveu et encore moins à ses larmes de crocodiles. M-. Mais pourquoi est-ce qu’il pleurait ? Qu’est-ce qu’il avait dit ? Se sentant presque coupable sans rien comprendre à la situation, il ne bougea pas pendant de longues secondes, se contentant de le regarder encore un peu surpris sans rien dire. Clignant seulement des yeux. Évidemment. Ce fut la suite de ses mots qui sembla le réanimer. Le… Bannir ? Oh. Si le grand blond avait eu plus d’émotions, il aurait éclaté de rire là, tout de suite. Et fort. Sauf que l’on parlait d’Ezra. La seule réaction qu’il eût donc fut de plisser les yeux et de laisser un minuscule sourire en coin se pointer sur ses lèvres. Patiemment, le grand blond se leva de sa chaise et s’éloigna, se dirigeant vers la porte. Sans même se retourner, il ouvrit la porte et sorti. Comme ça. Abandonnant le gamin en larmes dans le bureau. De l’autre côté de la porte, il eut droit à un regard en coin des employés présents qui n’osaient pas lever les yeux sur lui, ayant peur de subir le même sort que le jeune homme dans le bureau – ah, s’ils savaient… ! On put l’entendre dire à ceux-ci que tout allait bien et qu’il ne voulait pas être déranger. Revenant au bout d’une trentaine de secondes, Ezra referma la porte derrière lui, revint vers le bureau peut-être un peu trop lentement… et déposa une boîte de mouchoirs devant le gamin.

"Calme-toi."

Des mots fermes mais doux à la voix, essayant d’être un minimum rassurant. Un minimum, vraiment. Parce que non, il ne voulait pas qu’il pleure, surtout que ce n’était pas du tout nécessaire. Il voulait également éviter que le gosse se frotte le visage avec les larmes et de la morve qui allaient sans doute suivre peu de temps après, parce que c’était bien ça les étapes de sanglots, non ? Poussant la corbeille près du jeune homme pour qu’il l’utilise à sa guise avec les mouchoirs, il resta debout à ses côtés, le surplombant comme un géant. S’il n’y avait pas de sourire ou d’expressions propres sur son visage, il était d’un calme fou qui en était presque rassurant pour compenser.

"Je n’ai pas l’intention de te bannir. Si ça avait été le cas, je n’aurais pas pris la peine de me déplacer... Mais tu viens de souligner quelque chose d’intéressant."

Et le silence fût de nouveau, comme s’il voulait le laisser digérer le tout. Bon, pour ce qui était de l’aspect « savoir rassurer les gens en pleine panique », il y avait du travail à faire encore chez Ezra. Surtout avec cette fin de phrase, mais qui balance ça comme ça sans prendre la peine d’expliquer aussitôt !? Ce n’était peut-être pas les bons mots à lui dire, ce n’était sans doute pas ce que 1200 avait besoin d’entendre pour se sentir mieux, mais c’était la vérité. Le sale boulot, Ezra le laissait à ceux qui y prenaient plaisir. Ce qui n’était pas son cas, du moins, cela l’indifférait fortement. Non, ce qui l’intéressait, c’était ce jeune talent en informatique qui reniflait avec force, les yeux trempés et cet air abattu. Croisant les bras sur son torse, le PDG de Lovebees pencha la tête sur le côté sans le quitter des yeux.

"Tu as trouvé une faille dans l’application de la compagnie. De ma compagnie. Tu vois, tu n’es qu’un étudiant et pourtant tu as su cracker le code et tu es entré dans l’application, une application hautement sécurisée. Bien que non, tu n’as pas passé inaperçu, mais ce serait mentir de dire que nous l’avons réalisé tout de suite. Pour ça je te dis bien jouer. Maintenant, le but de ta venue ici n’est pas pour te punir, mais bien parce que je suis curieux."

Étirant le bras, il vint attraper le dossier sur la surface du bureau et l’agita doucement devant Mirai. Ce dossier sur lui. Cette petite mine d’informations. Et puis ces mots… Non, il n’allait pas le punir, mais… curieux de quoi ? Essayait-il de le piéger ? De lui faire de douces menaces ? Non, pas du tout, néanmoins il n’était nullement en train de le féliciter à grands applaudissements. Il voulait en savoir plus avant tout.

"Ce que tu fais de tes temps-libres, je m'en fou. Je veux savoir ce que tu es capable de faire en informatique, je veux connaître tes aptitudes autre que la base qui est écrite dans ton dossier. Je veux savoir si tu peux devenir indispensable."

Redéposant le dossier sur le bureau, Ezra s’approcha légèrement du jeune homme pour venir s’asseoir sur le coin de son bureau, l’écrasant de son aura pourtant si calme alors que son regard croisa le sien. Ses bras toujours croisés sur son torse, le grand blond se pencha un tout petit peu vers l’adolescent, une certaine et étrange douceur ayant pris place sur son visage comme pour l’encourager à ouvrir la bouche et en dire plus.

"Je te repose la question : parle-moi de toi."

Et non de ses états d’âmes dont il ignorait comment réagir, s’il-vous-plait. Même si ces mots se voulaient plus rassurant, il y avait toutefois cette lueur oppressante dans ses yeux qui transperçaient toujours le jeune homme, comme s’il… le testait. Qu’il essayait de trouver une faille.





@11-M-1200  

Il avait l’impression d’avoir un chiot devant lui. Avec ses grands verts comme les siens, larmoyants à souhait et cette petite moue triste. Non, pas triste. Anxieuse. Comme bien des personnes qui rencontraient Ezra la première fois, devant sa stature et son air impossible à cerner. Pourtant, il n’avait pas la moindre du monde envie de projeter cette image, c’était… comme ça. Le grand blond était très neutre, très doux à sa façon, il ne mordait que lorsque c’était nécessaire… mais les gens oubliaient, se fiant seulement à la première impression. Ou bien aux rumeurs à son sujet... Quoiqu’au final, il n’en faisait rien pour tenter de changer cette idée non plus, il avait d’autre chat à fouetter. À commencer par régler cette situation avec le gamin assis dans la chaise devant lui qui s’en remettait péniblement de savoir qu’il n’allait pas mourir sur cette chaise.

Voyant qu’il se reprenait et qu’il se calmait enfin, son regard dévia une fraction de secondes sur les doigts qui se tortillaient nerveusement, jusqu’à ce qu’il lui explique la raison précise de sa venue. Plus il parle, plus il sent que le gamin se détend. Et que la lueur inquiète se transforme en curiosité dans ses prunelles mouillées. Bien. L’adolescent comprenait son langage, c’était un pas dans la bonne direction. Maintenant, il ne restait qu’à savoir s’il comprenait bien ses intentions, ses attentes envers lui. Se redressant doucement sans décroiser ses bras, Ezra attendit patiemment que Mirai se replace sur sa chaise, plus confiant, qu’il lui vende sa salade. Puis enfin, sa langue se délia, pas pour pleurnicher, mais bien pour répondre à sa question. Plus le jeune homme parlait, plus Ezra savait qu’il avait tiré dans le mile en prenant la peine d’aller le chercher. Si jeune, et pourtant si déterminé. À la fin de son flot de paroles, le regard d’Ezra semblait avoir changé, comme si une soudaine lueur de fierté comme un papa inconnu face à l’enfant prodigue devant ses yeux. Une lueur subtile, mais perceptible.

Se redressant du bureau, il contourna le meuble pour revenir se mettre devant son ordinateur sans s’asseoir. Évidemment, bien des gens auraient été du genre à punir 1200 face à ses actions, d’avoir piraté l’application et d’avoir accès à ses données privés. Surtout dans ce monde qu’ils vivaient. Mais pas Ezra, il voyait plutôt ceci comme une opportunité, un changement qui serait plus que bénéfique pour la compagnie. De mieux performer, de s’approche de la perfection.

"Pas besoin."

La simple réponse d’Ezra à sa question incertaine. Non, il n’avait pas l’intention de lui faire parler à un des développeurs. Il avait un autre plan en tête pour lui. Sans lever les yeux sur lui, le grand blond se mit à taper rapidement sur son clavier, penché au-dessus de son bureau sans rajouter le moindre mot, laissant le silence habituel planer, presque trop lourd. Levant enfin la tête pour plonger son regard dans celui du gamin, son visage inexpressif et si sérieux, il ouvrit enfin la bouche de nouveau, laissant tomber cette phrase qui pouvait lui mettre toute la pression du monde sans savoir – du moins, sans s’en préoccuper :  

"Je veux que tu fixes cette faille toi-même, maintenant."

Une demande ou un ordre ? Un mélange des deux, à la manière d’Ezra. Se redressant complètement, il posa une main sur le dossier de sa chaise et la tourna de manière à laisser de l’espace pour que le jeune homme s’y installe. À sa chaise. À son bureau. Sur son ordinateur. Il avait ouvert les codes de l’applications pour lui, et il était bien déterminer à ce qu’il opère sa magie. À le tester.

"Prend ton temps."



@11-M-1200