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« Kate… »
Tu réponds, comme un écho, ton regard perdu dans le sien. C’est une idiotie totale de ta part, de ne pas comprendre ce qu’il se passe. De ne pas voir que tu te noies dans ce petit bout de femme comme un oiseau dans une mare. Ça t’électrise autant que ça t’incite à reprendre la fuite. Mais entendre ton nom d’emprunt dans sa bouche t’irrite. Tu ne veux pas de ça. Tu ne veux pas qu’elle comprenne, qu’elle sache. Mais Topaze ne te connaît que sous ce nom. Tu serres les dents et détourne le regard, cet éclair de détresse dans tes yeux ne lui échappera sûrement pas.
« Kai. C’est suffisant. »
Parce qu’un prénom serait toujours moins suspect qu’un nom de vagabond. Parce que… Parce que quoi, Kai ? Parce que tu veux l’entendre entre ses lèvres ? Tu inspires et d’un coup d’un seul, la repousse, là, de tes deux mains encore sur ses épaules. Tu n’es pas brusque, pas violent non plus, mais tu crées délibérément de l’espace entre vous.
« Je… Je crois que la milice est partie. »
Oui. C’était pour ça que tu étais entré ici, après tout, pas vrai ? Pour essayer d’échapper à une menace. Pas pour… Pour quoi, hein ?
« Tu.. devrais sûrement te changer je- »
N’aimerai pas que le reste du monde voit ça de toi. Et l’idée t’arrache un rougissement. Oh, elle te prendra pour un pervers, quand c’est un simple instinct possessif, mal placé, mal venu. Qu’est-ce que tu fous Kai, tu dérailles. T’as déjà chopé la mort ? Pluie de merde. Tu ne l’as toujours pas relâchée. Et tes doigts se tendent sur elle. Kai. Kai tu dérailles. Tu vas te foutre dans la merde. Fuis.
« Est-ce que… Tu sais s’il y a un accès proche aux souterrains… ? »
Hush, hush
Elle hoche doucement la tête, s'apprête à sourire et se ravise aussitôt lorsqu'il la repousse finalement, elle cligne de yeux, le détaille longuement sans comprendre, sans comprendre que le trouble qu'elle ressent est partagé, malgré les joues rougies et le regard fuyant, elle est probablement aveugle, finalement.
* Oui, je devrais.
Silence, elle baisse le ton tout doucement, un peu désespérée de toutes façons.
* Mais je suis déjà en retard...
Qu'est-ce qui serait le pire, finalement ? Elle avait un chemisier de rechange dans son sac, pour ce genre de situation. Pas celles où elle rencontrait au hasard un vagabond et tout, hein, non, plutôt le genre de situation où la pluie rendait très difficile le fait de passer en ville sans être remarquée et regardée.
* N-non, je ...
Il la prend au dépourvu en lui posant la question, maladroitement elle pose ses mains sur les siennes, sur ses épaules, comme pour le supplier de ne pas partir, de ne pas la laisser là. Quelle idiote. Elle secoue doucement la tête négativement.
* Je ne connais rien à ç-ça, e-excuse moi...
Tu reportes ton regard sur elle, et quelque chose a changé dans son intensité, quelque chose qui te fait légèrement incliner la tête sur le côté pour mieux la détailler. La lumière se coupe à nouveau, clignote et tu finis par relâcher l’une de ses épaules à regret, malgré la chaleur de ses doigts contre les tiens. Pourquoi ? Simplement pour ramener tes doigts contre sa joue et repousser ses cheveux blonds. Kate.
« Ne te mets pas davantage en danger à cause de nous. Merci de protéger Topaze. Je vais trouver mon chemin. »
Ne te mets pas davantage en retard, tu voudrais lui souffler, mais tu te noies à nouveau dans les saphirs de son regard et pour le coup, tu ne rougis plus. T’étais pas le plus malin de ta classe, non, mais t’as malheureusement toujours été le plus perspicace. Et ça te rend dingue. Ça te rend dingue. De la voir mal à l’aise. Mais c’est déjà fichu. Foutu pour foutu… tu attends que la lumière se tue à nouveau et tu viens poser un baiser contre sa joue.
« Ne t’excuse pas. »
Tu trouveras une solution seul. Tu inspires longuement et te recule, capte son regard lorsque la lumière se rallume, vous êtes proches, là, toi penché sur elle. Elle est petite et menue, nage dans ta veste bien trop grande.
« N’apprends jamais. Reste en sécurité Kate. »
C’est autant une mise en garde qu’un conseil, qu’une demande, qu’une plainte, presque.
Ce n’était que de la pluie. Mais au milieu du fracas de l’eau s’écrasant sur la terre, le tonnerre a sûrement grondé quelque part dans ce monde, ou alors n’était-ce que dans ton cœur ? Quelle idée, Kai. Quelle idée de succomber à un coup de foudre, maintenant, de tous les moments.
Hush, hush
* Ne... Ne me laisse pas.
Elle souffle, tout bas, trop vite, sans réfléchir, avant de rouvrir les yeux, mais ses yeux ne heurtent que l'obscurité. Dans un nouvel éclat, la lumière se rallume, elle bat des cils. Elle hésite un instant avant d'approcher pour le prendre dans ses bras et le serrer plus fort qu'elle ne devrait le faire, elle est trop proche, dangereusement proche finalement, et se raccroche à lui, elle a abandonné sa raison pour le moment. Tant pis, elle reviendra plus tard pour lui sonner les cloches.
* Fais attention à toi, s'il te plait.
Elle… elle veut que tu restes ? Tu t’apprêtes à répondre quelque chose, mais ses bras fins se referment sur toi et tu restes là, figé, idiot, complètement perdu contre cette chaleur qu’elle t’accorde, là, quand tu commences malgré toi à ressentir le froid de ton inertie, de tes vêtements trempés, de la baisse d’adrénaline dans ton système. Tu dois te casser. Tout de suite.
Mais tes bras se referment sur elle et tu l’étreins. Tu n’as aucune parole bien pensée, aucune remarque, rien. Tu l’écoutes juste et tu la serres contre toi. T’as aucune idée de ce qui est en train de se passer. Tu la connais depuis dix minutes à peine et. Kai. Inner_A13 à Kai. Réveille-toi. Réveille-toi.
Lorsque tu la repousses à nouveau, c’est si visible sur tous tes traits que tu le fais à contre cœur. Dans le froncement inquiet de tes sourcils, dans ce geste tendre que tu as de repousser ses cheveux blonds de devant son visage d’ange, pour croiser son regard, là. Vous paraissez être autre chose que deux inconnus. Comme si… Comme si ce n’était pas la première fois que vos chemins se croisaient. Dans cette vie ou dans une autre.
« Kate. Ecoute-moi. Je… J’ai besoin que tu continues ta vie comme si de rien. Que tu sois aussi irréprochable que tu le peux. Ne te fais pas bannir. Reste en sécurité. Reste en sécurité et- et je veillerai sur toi. »
Tais-toi. N’en dis pas plus.
« Je veillerai sur toi tous les jours. »
Kai, ne fais pas-
« Je te le promets. »
Hush, hush
* Je ferai attention. Fais attention en partant, s'il te plait, ils ne doivent pas être loin.
Silence, elle hésite avant de relever les yeux vers le bâtiment, ou plutôt vers le plafond, bien sûr.
* J'habite au premier. Si tu t'y prends par la façade ouest, il y a un arbre dont les branches mènent jusqu'à la fenêtre ouest, Topaze l'utilise souvent.
Silence, elle détourne les yeux et recule finalement, baissant un peu les yeux.
* Si tu as besoin, tu sais où me trouver.
Qu’elle te charme à chaque son, chaque geste, chaque respiration.
Tu rattrapes sa main, là, quand elle glisse contre ta joue et fuyant ton contact timidement et tu embrasses sa paume, ton regard planté dans le sien. Tu n’as pas besoin d’en dire plus. Tu entends, sans peine, et relâche ta prise lorsqu’elle se dérobe sous tes doigts. Tu dois être prudent. Pour vous deux. Pour Topaze. Parce qu’elle le cache. Parce que par hasard, en cherchant ton compagnon, tu es tombé sur un trésor plus inestimable que tu ne le pensais. Car dans cette cité interdite, elle vit et il t’a fallu toutes ces années pour la rencontrer.
« Alors je reviendrai te voir. »
Topaze. Tu… C’est Topaze que tu veux. C’est-
« Si tu sens un regard sur toi… Sache que ce sera moi. »
Pour tous les jours où tu pourras l’observer. Pour toutes ces fois que tu vas voler, à dérober à regard à cette belle inconnue. Parce que tu ne veux pas qu’elle reste simplement ça, une inconnue.
« Je te retrouverai. »
Une promesse, un aveu, une confession. Tu lui souris, tendre, rassurant. Tu ne sais pas vraiment ce qu’il vient de se passer ici, entre vous deux. Mais le destin semble avoir pris les commandes. Et tu… tu ne regrettes rien.
« File, princesse. »
Inestimable. C’est elle que tu veux.
Hush, hush
Elle dit, sans bouger le moins du monde, continuant à le détaille comme pour être absolument sûre de le reconnaître, plus tard, comme pour être sûre que forcer le destin, forcer le hasard en étant rester en vaille la peine. Elle reste quelques instants ainsi, avant de se hisser sur la pointe des pieds pour déposer un bref baiser contre sa joue et reculer au moins aussi brusquement, coupant tout contact entre eux. Elle pose sa main sur la poignée sur local et le gratifie d'un dernier sourire rayonnant, le dernier qu'elle offrira avant des semaines, probablement, le premier d'une longue lignée, elle en est certaine. Elle ne le laissera pas l'abandonner, maintenant il n'a plus le droit.
* Je penserai à toi.
Et elle est partie.
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