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j'te croyais chez ton père
Qu'est-ce qu'il fout là, dans les souterrains ? Moineau lui même a du mal a savoir ce qui l'a poussé à venir ici. enfin, si, il a quelques pistes, mais il refuse de les formuler. il s'est levé de mauvaise humeur, en sueur, se retenant de hurler, et avait repoussé un peu trop violemment le jeune cousin qui avait voulu le suivre pour la journée. ... bon départ, connard.
mais voilà,
il veut y aller seul.
il déteste cet endroit, mais y aller avec quelqu'un d'autre, c'est encore pire. quelqu'un qui saura à quel point il n'est pas dans son état normal, qui verra son malaise et s'empressera de poser tout un tas de questions.
tiens, pourquoi tu te retournes tous les trois pas ? d'habitude c'est six.
dis, tu as sursauté au bruit des grignotements de rats, là haut ça ne te gêne pas ?
comment tu fais pour te repérer aussi bien, si tu n'aimes pas y aller ?
tu as peur du noir ? de l'inconnu ? des tonnes de terre qui pourraient nous écraser au dessus ?
— merde...
était-ce pour répondre à l'interrogatoire qui se déroule dans sa tête, ou car il est vraiment embêté, que Moineau se met à parler à voix haute ? .. ou peut être juste car il veut remplir le silence assourdissant des tunnels abandonnés. la vieille lanterne accrochée à sa taille rebondit en silence, son survêtement absorbe les bruits. elle éclaire comme elle peut, clignotant quelques fois.
il se rapproche d'un mur pour y coller l'oreille, quand il les entend.
tap, tap, tap... des bruits de pas.
nerveux et agacé, il se retourne en croisant les bras et grogne quelques mots.eh, tu crois que je ne t'entends pas ?
Finalement, elle s'arrête, et force sa respiration à se calmer, comme Vengeance le lui a apprit. Elle doit être discrète et agir vite, s'il s'agit d'un ennemi du clan il faudra l'éliminer.
* Qui es-tu ?
j'te croyais chez ton père
Moineau n'a pas une bleue en face. ou alors, il ne fait vraiment attention à rien, tellement il se sent sur les nerfs et prêt à repartir en courant vers la surface. c'est marrant, pour un vagabond, d'avoir peur d'une des planques les plus sûres...
la planque de la fille qui se tient en face de lui, en tout cas. il ne l'a jamais vue, mais impossible de savoir si c'est une nouvelle ou pas, vu la fréquence à laquelle il met les pieds ici...
... bon, elle n'a franchement pas l'air très dangereuse. pas inoffensive non, plus, mais il pense pouvoir la maîtriser dans le pire des cas. inutile de trop se protéger, dans ce cas. les trois petits mots prononcés si bien, sans aucune déformation, argot ou syllabe inutile... pas de doute, elle n'est pas comme lui. mais on répond poliment aux étrangers, quand on est bien élevé.
— moineau. on se connait pas, je crois, annonce-t-il en essayant de calmer l'angoisse qui imprègne sa voix. je cherche juste quelque chose de précis.
il n'est pas très habile, quand il s'agit de détourner le sujet, Moineau... ça n'a jamais été son point fort, lui qui a plus d'idées et de pensées que de mots, d'autant plus dans une situation pareille. comme deux chats de gouttière qui se surprennent au détour d'un tas d'ordures, comment être sûr qu'on a un allié en face et pas un ennemi ?
— et toi ? ton boulot, c'est pas de suivre les gens, je suppose.
Elle prend bien soin de garder ses distances. Et les voilà à se regarder en chien de faïence, à des mètres l'un de l'autre, dans la semie-pénombre, à ne pas vraiment arriver à se voir. Elle ne dit rien d'autre, ne bouge pas. Elle réfléchit. Il n'a pas l'air d'être une menace et il n'est clairement pas de la surface, de ceux qui sont encore là-haut, à travailler dans leurs petits bureaux ou sur leurs foutus chantiers, dans leurs usines maudites.
* Ça fait partie de mes missions.
Elle est froide, glaciale. Sans doute qu'elle a un peu peur, elle aussi. Après tout, elle ne veut pas engager un combat qui n'aurait pas lieu d'être, mais peut-elle vraiment se permettre de le laisser filer ? Au fond quelle importance. Cette vie la rend paranoïaque.
* Tu cherches quoi, Moineau ?
j'te croyais chez ton père
Dans les souterrains il n'y a pas de courants d'air, encore moins de brise, mais Moineau a pourtant l'impression de geler, là, bloqué devant cette fille qui reste aussi immobile que lui. l'ambiance n'en est pas à sortir les armes, mais c'est dur de se faire confiance quand chacun fait sa petite vie et règle ses petits problèmes qui causent quelques petits cauchemars un soir sur deux...
— enchanté, dit-il avec peu d'émotions. il n'est pas de mauvaise foi, vraiment, juste... pas dans de très bonnes dispositions. surtout face à quelqu'un qui s'appelle Violence. elle l'a choisi elle même ? sympa, tes missions. pour tenter de dissiper le malaise il sourit avec gêne et tente quelque chose. je pourrais pas, moi !
non, ça, c'est certain, impossible qu'on le voit passer ses journées à sillonner ces couloirs déprimants, à peine habités par les nuisibles et quelques vagabonds perdus. enfin, perdus... si elle parle de mission, c'est qu'il y a quelqu'un pour lui donner des missions. vu sa posture, bien droite, par rapport à lui qui se tasse sur lui même... c'est une habituée du bas, visiblement.
on le chuchote parfois, entre les membres de la Famille, de ceux qui s'organisent en dans le noir, mais personne ne sait rien de précis. c'est si récent, si nouveau. mais loin de son élément naturel, le vagabond sait qu'il n'est pas tout à fait dans la position de poser des questions,
pas sans répondre à celles qu'on lui pose, en tout cas.
— je cherche un endroit. j'ai perdu quelque chose là bas il y a longtemps, j'aimerai le r'trouver.
Elle semble un peu se détendre, lorsqu'elle l'entend plaisanter, mais reste tout de même aussi neutre, aussi distante qu'elle le peut. Parce que c'est plus simple de ne pas rendre tout cela personnel, surtout s'il faut le supprimer.
* Ah. Je l'ai peut-être trouvé, il y a longtemps, dans ce cas.
Elle ne sait pas, elle semble songeuse. Ils ont ramassé tant de choses dans les souterrains. Un pas en avant, assuré mais lent, elle prend ses précautions.
* J'ai une carte avec moi, si tu veux.
Elle en est plutôt fière, elle l'a dessiné elle même ! Ça lui a pris des semaines. Et puis elle s'est appliquée à la recopier pour tous les membres du clan, un à un.
j'te croyais chez ton père
Moineau est rassuré par la petite remarque que Violence veut bien lui céder, sur la pénibilité de ses missions. ce n'est pas grand chose, d'accord, mais il a l'impression d'avoir réussi ce qu'il voulait faire... allez, on peut le dire, tout le monde semble un peu moins serrer les fesses, là, tout de suite.
lui, il est déjà persuadé qu'il va pouvoir blaguer avec elle, du coup, comme s'ils avaient élevés les pigeons ensemble. mais...
bon,
il n'avait pas prévu qu'elle puisse être aussi serviable. il n'avait vraiment pas envie de s'expliquer sur ce qu'il avait perdu ((surtout qu'il était sûr qu'elle ne le trouverait jamais)) mais il était par contre déterminé à se rendre à l'endroit qu'il revoit presque toutes les nuits. il sait très bien s'y rendre, en plus, il a fait le trajet un paquet de fois, dans les mêmes circonstances que ce matin là, la fille bizarre en moins. sauf que maintenant qu'il a commencé de faire ami ami ((selon lui)) avec elle, c'est compliqué de lui dire qu'il veut y aller tout seul... bon, et puis...
oh !
une carte !
il lui en faut peut être peu, mais le vagabond est étonné. j'aimerais bien la voir ! déclare-t-il, un petit sourire sincère illumine brièvement son visage. c'est vrai, il voudrait la voir, même s'il sait où il va. s'il arrive à se souvenir assez de tout ce qui est marqué dessus, ça peut toujours être utile, la Matriarche le remerciera même sûrement ((secrètement, il espère une portion de viande de plus, ou l'un des transistor qu'elle garde jalousement dans son sac)).
si l'inconnue passe assez de temps ici pour faire des cartes, elle doit sûrement connaître des passages secrets ou avoir d'autres informations que la Famille ignor...
ah.
oui, bien sur, en voyant la carte, elle est impressionnante mais surtout bourrée d'annotations. il aurait du s'en douter, à vrai dire. tant pis, il se concentre sur le tracé des couloirs et des galeries en ignorant les inscriptions incompréhensibles, essaye de gagner du temps pour la graver dans sa mémoire, même s'il pense avoir repéré sur la carte le lieu qui l'intéresse. il ne peut garder ses compliments pour lui même et siffle admirativement ((le bruit remplit subitement tout le couloir et va se perdre plus loin au détour des galeries, mais il n'y fait même plus attention)). beau boulot, dis donc ! dis, j'crois que l'endroit que je cherche, heu... c'est un petit tunnel à côté d'une grande galerie, indiqué par un panneau vert et blanc à côté d'un énorme écriteau bleu et blanc. il se rapproche encore plus de Violence, sans gêne, et fait courir son doigt encrassé au dessus de la carte, sans la toucher, pour repérer où ils sont, mais a un peu de mal, puisque la carte est tournée dans son sens à elle et qu'il reste encore en face ((il n'ose pas tout de suite se mettre à côté d'elle)). on est là, hein ? dans ce cas, je crois que c'est en prenant à droite au premier tournant, qu'on y accède...
* Ouais, on est là. Et je vois où c'est.
Encore un peu distante, méfiante, elle se penche un peu en arrière, guette la lueur des panneau qui clignotent un peu au fond des couloirs, laissant parfois de petits bruits grésillants s'échapper de leurs carcasses.
* Tu sais pas lire, pas vrai.
Sinon il aurait pas formulé ça comme ça. Elle, elle savait, elle était allée à l'école. Et en principe tout le monde savait lire. Mais Vengeance lui avait parlé d'un clan différent, dont les enfants avaient grandis à l'écart de la société. Elle ne jugeait pas, au mieux elle enviait.
* Tu vois les choses à l'envers, il faut tourner là bas.
Elle désigne une ombre d'entrée dans le couloir face à elle, dans le dos de Moineau puis repousse une mèche de cheveux blanc derrière son oreille.
* Laisse, je viens avec toi. C'est pas sûr dans le coin.
j'te croyais chez ton père
La carte est repliée un peu trop tôt au goût de Moineau, mais il n'ose protester, de peur d'avoir à se justifier. s'il devait avoir à raconter les réunions familiales interminables lors des repas du soir, les questions et le regard inquisiteur de la Matriarche, les chuchotements trop curieux des cousins... non, ce n'est pas le moment.
alors il soupire simplement, discrètement ((il l'espère)), et compte sur sa mémoire visuelle pour retracer le plan qu'il avait sous les yeux dès qu'il sera à nouveau seul. dans quelques minutes, tout au plus...
ah, non. non, elle reste faire la conversation, étonnement, cette fille si froide.
peut être qu'elle ne l'est pas tant que ça, au fond. ou qu'il se sent si seul qu'il se raccroche à la moindre remarque de sa part, même ça.
ça, il aime pas. il n'aime pas se justifier. il sait que tout le monde va à l'école, dans "leur" société, que tout le monde sait lire et écrire. non, mais tout est flou, j'ai pas mes lunettes... tente-t-il hasardeusement. même s'il savait mentir, ce serait un peu gros, alors là... il se reprend. ... et j'sais pas lire. il sait déjà ce qu'elle en pense, la "citoyenne", il sait ce qu'ils en pensent tous. tout le monde regarde la Famille de haut ((à cause de toi)), on pense qu'ils ne vont pas à l'école et ne sont pas éduqués, qu'ils ne savent rien à rien ((on pense qu'ils sont tous bêtes comme toi)), qu'ils ne connaissent rien à part comment cuire des pigeons ((car tu n'es bon qu'à ça, tu sais.)).
mais non, certains savent lire. pas tous, pas toujours très bien, mais le jeune homme occupé à serrer les poings très fort au fond de ses poches est l'un des rares qui n'a jamais réussi à apprendre du tout. rien, nada, c'est à peine s'il reconnait son nom ! plus que ses doigts, ce sont ses côtes qui semblent se resserrer sur ses poumons, mais Moineau essaye de surmonter l'affront comme il peut,
hoche la tête quand elle propose de l'accompagner,
lui emboîte le pas. sagement. ((bon toutou))
lui qui voulait être seul... enfin, il n'en est plus si sûr. c'est tout de même rassurant, une silhouette à ses côtés, une silhouette qui est là et n'est certainement pas aussi intrusive que ceux qui l'accompagne d'habitude.
toujours vexé, les sourcils froncés. les mâchoires serrées depuis tout à l'heure se relâchent à peine pour se défendre, pour essayer d'anticiper le flot de réflexion qu'il imagine résonner au fond de son crâne et qu'elle sera trop polie pour dire à voix haute. les autres savent, hein. juste... pas moi, c'est tout. ça marchait pas. quelque chose le pousse à continuer mais...
il vaut mieux se mordre la langue que continuer à s'enfoncer. il préfère entendre les bruits de pas qui résonnent contre les murs de galeries plutôt que sa voix qui tente de se justifier laborieusement alors qu'il n'y a rien à expliquer ou à justifier. ((t'es pas bon, c'est tout))
* J'm'en tape que tu saches lire ou pas. Si tout le monde était pareil, ce serait chiant.
Elle ne se risque pas à un sourire, ça lui ferait mal de sourire, comme si c'était physiquement interdit d'arborer un masque différent de la chef de troupe, du bras droit armé, destructeur. On lui souffre parfois que Vengeance se sert peut-être d'elle. Elle s'en contrecarre. Qu'importe les objectifs s'ils ne sont pas ce qu'ils disent.
* Vous êtes nombreux ?
Elle demande, se ravise aussitôt parce que si par chance il daigne répondre, il lui retournera la question, elle ne veut pas. Elle agite la main.
* Laisse tomber ça me regarde pas, c'est tes affaires.
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