Il y avait des jours comme ça, où tout paraissait trainer en longueur. Où tout semblait ne pas se dérouler suivant le plan prévu au départ. Les boites qui manquaient, les plats qui finissaient à côté des dites boites, un rythme pas tout à fait assez soutenu. Toutes ces petites choses qui transformaient rapidement une journée d’une durée normale, en une journée à rallonges. Si la pause du midi avait apporté un moment de répit appréciable, Letty devait avouer attendre avec impatience la fin de son temps de travail. Enfin l’avouer… se l’avouer à lui-même c’était déjà pas mal parce que l’exprimer à haute voix ne lui aurait jamais effleuré l’esprit. A la place, il se concentrait autant que possible sur ce qu’il était en train de faire, rattrapant – avec plus ou moins de succès – le petit retard qu’il avait pris jusqu’à présent. Il faudrait qu’il travaille davantage le lendemain pour réellement combler celui-ci. La sonnerie indiquant la fin de journée eut l’effet d’une libération. Il allait pouvoir rentrer chez lui et s’enfermer dans cette autre partie de sa routine habituelle.

2404 quitta son lieu de travail et prit la direction de son appartement, comme il le faisait tous les soirs, se perdant peu à peu dans ses pensées, comme il le faisait généralement. Il lui suffisait de faire attention à ne pas percuter les gens et tout se passait parfaitement bien. De faire attention, aussi, à ne pas se laisser entrainer loin de son chemin habituel par quelque chose qu’il aurait aperçu. Quelque chose qui n’était pas forcément important, qui ne semblait pas important… Comme ce fut le cas ce soir. Ce qui détourna le pénitent de son chemin, ce fut un bête chat. Rien de bien inhabituel, ça n’était pas la première fois qu’il en voyait un errer dans les rues, probablement pas la dernière non plus, mais malgré cela, il se mit à le suivre, curieux de savoir où il pouvait bien aller. C’est comme ça qu’il se retrouva dans une zone où il n’allait que rarement, à l’extrême bordure du district 4, proche du précipice. Lorsqu’il s’en rendit compte, Letty se stoppa, cessant par la même occasion de suivre le chat qui en profita pour disparaitre. Sortir de sa zone de confort ne faisait pas partie de ses habitudes et il se demanda un instant quoi faire. Est-ce qu’il pouvait en profiter pour laisser sa curiosité prendre le dessus, ou est-ce qu’il valait mieux pour lui qu’il reparte de là où il était venu ? Pour un peu qu’il sache réellement par où il était venu.

Quelle drôle d’idée d’être venu trainer par ici. Sérieusement, il n’avait rien à y gagner, peut-être des ennuis et encore. En plus, maintenant que le chat n’était plus là, il n’avait plus d’excuse si quelqu’un s’interrogeait sur sa présence. Non, vraiment, il était temps pour lui de prendre le chemin du retour et de se retrouver, comme n’importe qui, dans son appartement. Malgré tout, il resta quelques secondes de plus, à moins qu’il ne s’agisse de minutes ? Il n’en savait rien et s’en fichait, du regard, il tentait de voir si le chat allait réapparaitre, sondant l’endroit par lequel il s’était finalement enfui. La silhouette lui fit plisser les yeux alors qu’en même temps il se dit que le chat semblait avoir beaucoup grossi. D’un petit mouvement de tête, il chassa cette idée stupide et se concentra, jusqu’à voir la jeune femme d’assez près. Jusqu’à l’entendre s’adresser à lui pour lui demander son aide. Son aide pour quoi ? Est-ce qu’il était capable d’aider quelqu’un lui ? Son regard resta un moment fixé sur le visage de la jeune femme, notant les traces de larmes, heureusement qu’elle ne pleurait plus, avant de glisser jusqu’à sa main et la blessure qui l’ornait. C’était rouge, ça saignait, beaucoup. Qu’est-ce qu’il était censé faire ?

– Comment est-ce que… Non, pourquoi est-ce que ça ne s’arrête pas de saigner ?

L’important n’était pas de savoir comment elle s’était blessée, mais pourquoi est-ce que ça ne fonctionnait pas comme sur lui et par extension comment pouvait-il l’aider ? Une légère hésitation, après tout, il aurait dû partir, ne pas s’occuper d’elle, voir même appeler à l’aide, et il tendit la main pour attraper celle de l’inconnue, observant un instant la plaie.

– Je ne sais pas trop ce qu’il faut faire mais… peut-être qu’en faisant ça… avec ça…

Tout en parlant, il fouillait dans son sac, avant d’en sortir le chiffon qu’il utilisait dans son travail. Il ne s’agissait probablement pas du truc le plus propre qu’on ait pu croiser, mais ça serait toujours mieux que rien en attendant. Il pressa le tissu sur la plaie, tout en regardant autour de lui, un peu nerveusement. Si quelqu’un passait par là, juste en ce moment, que penserait-il de la scène ?