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Celes se relève et vient te rejoindre, ça n'a rien d'une surprise. S'il ne venait pas ce serait probablement qu'il n'avait pas entendu. Mais lorsqu'il approche et que tu refermes plus ou moins la porte derrière lui, tu ne t'attends pas à ce qu'il te prenne dans ses bras. Celes a une manie vraiment envahissante de vouloir chercher le contact physique entre vous et si d'ordinaire ce n'était pas pour te déplaire - que ce soit pour se battre ou autre chose - aujourd'hui c'était différent. Aujourd'hui tu ne voulais pas. Tu ne voulais pas sentir ses bras se refermer autour de toi, sentir la chaleur de son souffle contre ta gorge, tu ne voulais pas sentir ce sentiment t'envahir, le laisser gagner, le laisser emporter encore un bout de toi, de ta volonté. Non, Raven, tu ne voulais pas, mais tu ne fis rien pour l'en empêcher, pire même tu relevas les bras pour les refermer autour de lui, pour poser tes mains là, contre ses omoplates nues. Tu fermes les yeux, rien qu'un instant, tu te laisses bercer par ce contact, cette chaleur, et finalement tu soupires tout bas.
☆ Je te le promets.
Tu murmures, tout bas, et il saura que ce n'est pas quelque chose que tu dis à la légère, il le saura à ta voix rauque et à ton attitude presque fuyante. Tu ne veux pas faire cette promesse, mais à quoi bon, autant la faire si tu sais que tu la tiendras, pas vrai.
☆ Maintenant cesse de te comporter comme un enfant, et va dormir.
Tu ajoutes, d'un ton plus froid cette fois, essayant de rétablir entre vous la distance qui, jusqu'ici, vous avait préservé tous les deux.
« Laisse-moi baisser les armes avec toi au moins. »
Mais tu ne sembles pas offensé par la remarque. Pourquoi le serais-tu, de toute façon ? Raven n’avait jamais rien fait pour gagner ta méfiance, même dans le milieu privé. Tu soupires et t’étire finalement de toute ta longueur avant de jeter un regard vers la porte fermée, puis le lit de Raven. Alors ce ne serait pas le canapé, hm. Il jette un bref regard à Raven et décide de ne pas trop s’interroger, de ne pas trop réfléchir à tout ça avant de monter sur le lit et de t’échouer à une extrémité pour laisser toute la place du monde à Raven. Tu soupires de soulagement lorsqu’à la texture replète des oreillers s’ajoute l’odeur si distinctive de Raven… Et tu sais, sans aucun doute, que tu dormiras sûrement profondément cette nuit. C’était aussi idiot que ça, la façon que certaines odeurs ont de te calmer sans que tu n’aies rien de plus à faire. Tu rouvres les yeux et tire les draps, la voix basse et le regard dénué du moindre jeu, si ce n’était peut-être une touche d’innocence qui te sied pourtant à merveille.
« Viens. On en a besoin. »
Si tu parles d’une nuit de sommeil, de la proximité, ou du simple fait que l’histoire vous avait déjà prouvé que dormir ensemble vous convenait particulièrement bien… tu n’en dis rien. Pas plus que tu ne cherche à l’inciter à une autre émotion, ni même à le taquiner. C’était déjà trop tard, de toute façon. Vous étiez là-dedans ensemble. Et maintenant… maintenant il te l’avait promis.
Et cette seule idée te fait sourire d’un quelque chose probablement jamais vu auparavant. C’est peut-être de la tendresse, penses-tu naïvement.
T’as simplement oublié que l’amour prend beaucoup de formes.
Lorsque tu le regardes s'installer dans ton lit, tu te demandes ce qui a vraiment péché, chez toi, pour que vous en arriviez là. Si n'importe qui autre vous voyait, allongés l'un près de l'autre, sans que tu n'oses approcher ou le toucher, bien sûr que vous finiriez bannis. Tu en as bien conscience. Et si avec Aden ... Hé bien c'était Aden, il faisait encore bien ce qu'il voulait, avec Celes ce n'est pas la même affaire. Bon sang quel idiot. Tu as la sensation de marcher sur des œufs à chaque pas que tu fais. Comme si le moindre geste allait lui mettre la puce à l'oreille, lui laisser comprendre que ce qu'il se passait là n'était pas bien, n'était pas juste. Certes, tu pouvais te rassurer en te disant que vous aviez déjà échangé un baiser, plus ou moins, même si bon... C'était Celes quoi. Plus aveugle que Celes, il n'y avait pas.
Alors, tu supposes qu'au final, tant pis, si tu dois tout risquer cette nuit, ce soir, alors fais le, Raven. Est-ce que tu pourras te regarder dans le miroir avec le cœur chargé de regrets ? Sûrement pas. Aussi, oui, tu approches et tu viens te lover dans ses bras, forçant un peu le passage. Tu n'as pas besoin d'espace et d'air ou de distance, tu as juste besoin de sa chaleur et de sentir son contact. De t'assurer que c'est réel, que ce lit n'est plus froid et vide. Non, il ne l'est plus, Raven. Pas ce soir, pas cette nuit.
☆ Serre-moi.
Tu murmures, tout bas, les yeux clos, peut-être qu'il n'entendra pas tes mots, étouffés contre sa peau brûlante, peut-être qu'il entendra, tu n'en sais rien.
Ou peut-être n’es-tu qu’un sombre abruti, Celes.
Tu soupires doucement, calme, rassurant, et referme tes bras autour de lui pour l’attirer encore plus étroitement à toi, si c’était possible. Une erreur que tu aurais dû noter, car elle est si injuste et fausse sur tant de principes. Mais l’odeur de Raven t’apaise, c’était presque donnant donnant. D’une main contre le creux de son dos, l’autre vient de perdre dans les mèches bicolores, là, contre sa nuque chaude et tu souffles, patient, presque aimant malgré toi.
« J’aime t’entendre dire ce que tu penses réellement… J’ai l’impression qu’il n’y a plus rien entre nous. C’est rassurant. »
Parce que vous êtes tous les deux parés de ces murs indestructibles. Que pour toutes ces fois où vos deux idéaux entrent en collision frontale et tentent de s’ébranler, il y a aussi ces instants où Raven tout contre toi te rappelle que tu n’es qu’un homme. Que ton nom n’est pas que celui d’un conseiller. Que tu as aussi le droit de ressentir des choses. Tu ris, un son léger, presque éthéré.
« Tu entends… ? »
Y’a ce sourire sur tes lèvres. Quelque chose d’intime et de doux. Tu ne vois pas son visage, là où vous êtes tous les deux enlacés, ton menton sur le sommet de ses cheveux. Mais tu sais que Raven doit sentir ton cœur battre plus fort. Et tu n’en as pas honte. Tu sais que c’est juste lui. Que c’est le contact humain qui t’a manqué depuis le bannissement de ta femme, depuis le départ de Lucian, depuis que tu te refuse de laisser quiconque suffisamment t’approcher pour t’influencer ou te blesser. Mais Raven a gratté son chemin sous toutes ces protections. S’est faufilé là, comme tatoué contre tes côtes, près de ton cœur. Et tu devrais avoir peur, mais ça te semble juste naturel, juste, essentiel.
« Merci Raven. Merci pour tout. »
Au moins pour cette nuit, tu pouvais t’autoriser à être vivant.
Tu sais avec exactitude le moment où les mots, les gestes de Celes te feront fuir, tu sens la vague arriver comme on attend sur le bord d'une plage, tu te sens boire la tasse lorsque tu te mets à écouter les battements de son coeur, et tu sens sans mal le tien qui panique, qui se tord, se serre, qui tambourine beaucoup trop fort pour son propre bien. Super. Celes finira par avoir raison de toi. Et tu sais. Tu sais que lui est juste détendu, terriblement à l'aise, honnête et doux, qu'il n'a rien fait de mal. Tu sais que le problème vient de toi, au final ce n'est pas une surprise, c'est même plutôt prévisible. Tu le savais, dès le début, dès la première fois où Celes avait volé ton souffle, au détour d'un couloir, à juste te gratifier d'un compliment sur ton travail. Tu savais que ce jour là les murs s'étaient fendus de stries à travers lesquelles tu pouvais d'ors et déjà voir la lumière. Tu savais que ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'il se fraie un passage. Quel imbécile tu avais été de l'avoir laissé faire.
☆ Celes.
Tu échappes à son contact. Tu lui dois la vérité, après tout. Tu la lui dois, parce que c'est ainsi, parce qu'il te la réclame avec tant de ferveur que ça ne peut être autrement. Alors, lorsque tu fronces les sourcils et tend la main pour la poser sur sa joue, appuyé sur ton coude, tu soupires faiblement. Tu es mal à l'aise, tu es un mélange entre du malaise et une infinie sérénité, quelque chose que tu ne t'expliques pas. Comme si tu voyais la catastrophe arriver mais que de toutes façons tu ne pouvais rien y faire. Comme si tu sentais ton monde changer et que tu ne faisais que mettre le feu aux poudres.
☆ Je suis amoureux de toi.
Tu ne veux pas juste lui dire je t'aime et qu'il ne comprenne pas. Tu ne supporterai pas un quiproquo de plus. Pas cette fois. Pas maintenant alors que tu détruis de toi même les dernières barrières que tu dresses encore et encore entre vous. Ce soir, tu lui dois l'honnêteté, tant pis si tu t'enfuis demain, brisant toutes tes promesses.
Mais tu n’avais seulement pas réalisé l’ampleur de la situation. Tu viens instinctivement poser ta main sur celle de Raven, comme si elle avait raison d’être là. Comme si… Comme si quoi ?
Les mots t’échappent. Pas les siens, non. Les siens sont si clairs. Clairs comme la lueur dans son regard. Tu ne le repousses pas sa main et te redresse à ton tour sur son coude, tirant doucement sur la traitresse pour attirer Raven à toi. Tu ne sais pas à quoi il joue. Tu n’es même plus certain qu’il soit en train de jouer. Ou peut-être est-ce toi ? Non. Non, aucun de vous deux.
Tu te fous de savoir comment, pourquoi. L’idée t’effleure qu’aimer était douloureux. Que tu ne veux pas qu’il en souffre comme tu as pu en souffrir. Que peut-être, peut-être…
« Tu n’as pas peur ? »
Parce que l’idée ne t’effleure pas de le rejeter. Parce que Raven s’est épanoui au creux de tes mains, une fleur nocturne qui ne montre ses vraies couleurs et son parfum qu’au creux de l’obscurité la plus sûre. Et lorsque tu croises son regard, tu lui souris, sincère. Tu caresses sa main contre ta joue, et ce n’est pas de la pitié. Pas quand les choses commencent enfin à faire sens.
« Je ne vais pas disparaître. Ne ferme pas les yeux. »
Tu ne sais pas, toi, si l’amour est juste. Tu sais seulement que si Raven ressent ces choses-là, tu ne les étoufferas pas. Pas lui. Pas Raven. Tu l’attires un peu plus à toi et murmure.
« Est-ce que tu veux dormir dans mes bras ? »
Le rejeter n’est pas une option. Jamais. Et l’idée ne t’effleure pas du pourquoi. Pas plus que tu ne t’interroges sur ton cœur qui bat la chamade.
Il demande, si tu n'as pas peur, et tu n'as juste pas la force de répondre que si, tu es terrifié, que la dernière personne que tu as aimé t'as pris absolument tout ce que tu avais, tout ce que tu étais jusqu'à ta volonté d'exister. Que tu es de ceux qui aiment ainsi, sans barrières, sans limites, sans se dire que c'est chacun son terrain, chacun son monte et que de temps à autre ils se rencontrent. Tu aimes comme deux étoiles entre en collision, tu aimes avec violence, avec un dévouement sans précédent, sans limites. Tu aimes et tu donnes. Et à sa façon d'être et de répondre, tu sais que, même sans savoir ce que Celes en pense, au fond, il ne rejette pas tes sentiments. Et ça compte. Sans les valider, c'est déjà beaucoup. Tu ne te sens pas t'apaiser, non, bien sûr, au contraire, tu sens que la tempête ne fait que croître et croître encore jusqu'au moment où elle explosera, mais tu es presque serein face à cette fatalité.
☆ Oui.
Tu ne dormiras probablement pas, pas à le sentir si proche, pas à entendre son coeur ainsi, tu ne dormiras pas mais tu pourras sentir chaque seconde, chaque minutes se tordre pour se faire plus rapide ou plus longue, tu te sentiras devenir fou, et oublier l'essence même de ce que tu es, dans ses bras. Et ça te va. Tu n'as besoin de rien d'autre, pas ce soir. Celes ne te laissera pas, pas vrai ? Non. Il ne t'abandonnera pas.
Aussi, tu te tais, tu refermes ton clapet à bêtises et tu viens te lover dans ses bras. Parce que c'est plus facile, presque instinctif, parce que se raccrocher à Celes ne fait que te rappeler à quel point tu peux être fragile, à quel point il peut être dangereux pour toi. Ce soir, ce n'est plus si important.
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