Ici, c'était plutôt le deuxième scénario : en effet, il se baladait après les heures moyennes de travail, alors évidemment, c'était rare de croiser quelqu'un. Ainsi, il espérait que la population du district soit filtrée et qu'il puisse tomber plus facilement sur ce qu'il cherchait. En toute honnêteté, il se sentait suivi depuis quelques minutes. Après, il était paranoïaque. Néanmoins, il se sentait vraiment observé.
Sauf qu'Amaury l'avait repéré, finalement, au bout de quelques minutes. Super. Il allait passer un sale quart d'heure, pas vrai ?
* Amaury ?
Qu'il murmura, avec de grands yeux de lapin pris dans les phares d'une voiture. Il grimaça un instant.
* Qu'est-ce que tu fais ici ?
t'es à 29% de la relation neutre.
Ah. Lucian.
La déception dégouline de ses mots, cela va sans dire. Déjà, parce que Lucian le met particulièrement mal à l'aise ; il ne sait pas si c'est les yeux vides de sens et d'émotions, ou si c'est la façon dont il a à murmurer systématiquement son prénom avec une voix d'outre-tombe. Oui, il lui en faut peu pour être mal à l'aise. Le problème c'est que Lucian a tendance à le coller, surtout au Conseil, mais bon hein. Amaury sait bien suivre les gens, lui aussi, mais il sait aussi les éviter comme la peste.
Ouais. Gardons un air naturel, hein. De toutes façons, il a toujours l'air de préparer un mauvais coup, donc son air naturel de base est plutôt suspect. Il sourit à Lucian, se rapprochant - même si honnêtement, il est à deux doigts de taper le sprint de sa vie pour le semer. Mais il ne veut pas apprendre que Lucian est bon pour courser les gens, non. Il n'a pas envie de l'apprendre maintenant.
* Je ne sais pas. Je t'ai vu passer et je t'ai suivi.
C'est vrai, il n'avait pas vraiment réfléchi, sur le coup. Cela ne faisait pas vraiment sens qu'Amaury vienne ici. Mais bon. Lucian se remit à le dévisager un instant avant de pencher la tête sur le côté.
* Tu fais un truc pas net ou t'as une mission ?
Difficile de déterminer. S'il demandait à Aden il allait se faire prendre de haut et passer un sale moment. En plus il n'avait absolument aucune envie de parler à Aden.
Les mains sur les hanches, il observe son collègue, hésitant à le planter là. Oh, bon sang. Lucian n'allait jamais le lâcher; ça venait de le frapper avec la violence d'un camion lancé à pleine vitesse sur le périphérique. Lucian n'allait jamais vouloir le lâcher, et il allait devoir se le coltiner jusqu'à la fin des temps. En fait, c'était d'ores et déjà le cas, mais là, il allait arrêter d'être discret, quoi. Et Lucian était déjà "Le Mec Bizarre" du Conseil, en plus d'être suspecté tous les deux jours de trahison. Alors, Amaury n'avait pas trop trop envie qu'il le colle, quoi. Compréhensible, non ? Putain, mais va justifier ça, aussi.
Amaury lui parle sans douceur, mais ses paroles restent amicales, tout comme son sourire. Il oublie juste de prendre des pincettes avec Lucian, qui de toutes façons est trop bizarre pour être traité normalement. En tous cas, c'est son point de vue de bully. Il soupire, attrapant le poignet de Lucian.
* Où est-ce que tu vas ?
Ok, il a dit qu'il faisait une balade, mais Lucian n'est pas si dupe : Amaury n'est pas du genre à faire tranquillement une balade, une balade, il n'imagine même pas qu'il puisse connaître et comprendre le concept même de balade à proprement parler.
* Enfin. Laisse tomber, c'est pas important.
Ce n'est pas vraiment un conseil qu'il lui donne, en aucune façon. C'était juste lui, laissant aller ses paroles sans vraiment de filtre - c'est détestable, mais au pire, il n'y a personne pour l'entendre sinon Lucian. Finalement, il lâche son poignet, considérant que le jeune homme peut continuer à le suivre de lui-même.
Bon, la chasse aux vagabonds, ce n'est pas pour tout de suite. Pendant un instant, il hésite à aller se plaindre à Aden que Lucian est constamment dans ses pattes, mais il ne voulait pas non plus que Lucian se fasse bannir, il s'était attaché à ces yeux de merlan frit abandonné sur le côté de la route depuis trois jours. En fait, il était trop bon avec Lucian. Triste.
Aussi, il opina simplement, gentiment, lorsqu'il lui demanda s'il le suivait pour rentrer, et se mura dans le silence. Il observait la route. Ils avaient moins l'air louches, tout au mieux ils avaient l'air d'une espèce de patrouille du conseil, avec leurs grands habits fastes. C'était plutôt agréable. Lucian aurait peut-être dû prendre Amaury de haut, après tout, il avait la carrure pour le faire. Mais il savait qu'il se passait un truc pas net entre Aden et Amaury, de ce fait il préférait ne pas risquer sa tête inutilement. Leur lien était quasi invisible, mais Lucian était doué pour voir les petits détails, ceux qu'on ne soupçonne pas. Si Amaury n'avait pas été aussi imbu de lui même, il aurait pu l'utiliser.
* Je ferai des efforts pour ne plus poser de questions.
Il a hâte de rentrer. C'est bien, lui qui commençait à détester son appartement et qui rentrait en traînant des pieds du travail, cette fois-ci il ne demandait rien de plus que de se retrouver dans l'intimité de son chez-lui. Peut-être qu'il ne se sentait pas à la maison, et ce nulle part, mais au moins, il pouvait profiter de la solitude. Génial.
Ses yeux se posent sur Lucian qui marche à ses côtés. Il aimerait bien en savoir plus, sur lui. Notamment parce que le vide intersidéral qu'il semble déceler au fond de ses yeux le terrifie, et qu'il espère que ce n'est pas tout. Parce que sinon, c'est triste en plus d'être effrayant. Non, il y a forcément quelque chose d'autre, derrière tout ça. Amaury l'espère.
Finalement, le centre se profile devant eux, et Amaury se tourne vers Lucian.
Il n'y a rien de plus à lui dire, de toutes façons ce n'était pas comme s'ils avaient beaucoup de discussion à la base. Il soupire un peu, observant les bâtiments du centre.
Amaury le salut et lui intime de prendre soin de lui, Lucian cligne des yeux avant de sourire. Son sourire est tendre, sincère.
* Prends soin de toi également, Amaury.
Il est important, Lucian en a conscience.
* A demain.
Il l'espérait, en tout cas.
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