erreur qui monte à la tête et occupe ses pensées, en déclenche une autre, puis encore une autre, jusqu'à combler son sommeil. cela faisait bien des années qu'althea n'avait pas eu de nuit reposante, mais ce soir là, un simple oubli, comme tant d'autres, l'avait obligée à rester éveillée un peu trop longtemps ; sans doute était-ce cela qui l'avait rendu plus sensible, irritable disons, durant la réunion matinale. un oubli, ça ne passe jamais inaperçu, celui là ne pouvait vraisemblablement pas manquer à l'appel. une réaction de trop, au mauvais moment. des traits qui se froncent un peu, juste un peu, mais un peu trop. oh, si seulement il ne l'avait pas remarquée. elle l'avait aperçu du coin de l'oeil. il l'avait regardée, avec un peu trop d'insistance, et elle avait compris.

althea avait prévu de l'ignorer. après tout, ce n'était pas si grave : pourquoi s'inquiéter pour quelque chose d'aussi stupide ? mais les bruits de pas se rapprochaient. et le calme ne se faisait pas. bien sûr, il avait fallu qu'il la suive.

"bonjour léandre."

ça aurait été mentir de ne pas lui adresser la parole, quand sa présence était la seule chose sur laquelle elle était capable de se concentrer sur l'instant, alors elle s'était efforcée à lui donner une réponse, la seule réponse qu'elle aurait bien voulu lui donner, alors qu'elle continuait à marcher, la tête droite, le regard fixé sur son chemin, comme si elle ne pouvait prêter attention à lui, ou cherchait simplement à ne pas le faire.

mais voilà, il insistait. et le doute n'était plus permis quand léandre exprimait clairement, trop clairement, ce qu'il avait bel et bien remarqué. ce n'est rien, n'y prête pas attention.

"tu fais certainement erreur, je suis un peu fatiguée, rien de bien inquiétant, vraiment. était-ce vraiment la peine de me suivre pour ça, léandre ?"

et elle regretta immédiatement de lui avoir répondu par une question.

elle s'était attendue à cette réponse, et pourtant, celle-ci la dérangeait au plus au point. ses paroles, tout aussi vagues aient elles pu être, n'exprimaient que trop bien ces intentions qu'elle avait redouté voir un jour apparaître chez un de ses collègues. cela faisait un certain temps qu'elle avait compris que léandre en particulier cherchait quelque chose, mais jamais il n'était venu l'exposer si clairement, et cela ne présageait rien de bon.

"c'est dommage en effet, on n'obtient pas toujours ce que l'on souhaite."

il y avait dans cette remarque un fond d'ironie, trop bien dissimulé sous ce ton froid qu'elle avait pris l'habitude d'employer, mais elle ne doutait pas des capacités de son interlocuteur à en comprendre la subtilité. léandre était intelligent. un peu trop peut-être. et quand bien même cela pourrait s'avérer ennuyant, althea se devait bien d'admettre qu'il y avait quelque chose d'agréable à s'adresser à quelqu'un de son acabit.

"la vérité, hein. je t'avouerais ne pas savoir ce que tu cherches par là."

ces mots sonnaient trop mensongers, mais althea ne mentait pas. oh, elle avait bien conscience de la volonté de léandre, mais le doute la laissait espérer une fausse piste, ou tout simplement, peut-être ne parlait-il pas de ce qu'elle ne voulait pas lui dire. de ce qu'elle appréhendait.

"le sais-tu, d'ailleurs ? c'est intriguant. j'aimerais bien savoir pourquoi tu perds ton temps de cette manière." en disant ça, elle aurait presque souri, si elle en était même capable, mais il n'avait eu le droit qu'à un haussement de sourcils. "maintenant, si tu veux bien m'excuser..."

et elle avait pressé le pas pour contourner celui qui s'était mis en face d'elle, comme si cela allait l'empêcher de la suivre, comme si cela lui donnait les moyens d'éviter ses menaces. mais au fond, althea savait qu'il ne la lâcherait pas. il faudra perséverer plus longtemps que d'habitude, si il était même possible de s'en débarrasser cette fois ci.