Ton thermos est vide et cela est problématique. Énormément même. Si tu en as un, c'est pour une bonne raison: t'éviter de faire plusieurs allez-retour pour te servir du café. Grâce à ce petit stratagème, cela te fait gagner du temps de travail, tu ne veux perdre aucune minute, aucune seconde afin d'être le plus efficace. Mais en plus de cela, ça t'évite de croiser les sales têtes de tes collègues. Échanger sur les dernières nouveautés dans la vie de chacun ne t'intéresse pas et tu crains que si tu te retrouves devant une des machines de café, tu seras abordé par quelqu'un désespéré de faire la conversation. Mais là, tu n'as pas le choix. Te retrouver en manque de caféine pourrait t'être plus néfaste qu'entendre quelqu'un te parler.

Tu attends cependant la pause pour aller te recharger, mettant un timer pour te rappeler d'y aller. Et quand il sonne enfin, tu décides de t'accorder que cinq minutes. Ce qui doit être suffisant pour accéder à la machine, te servir et repartir. Ton pas est rapide et décidé, tu n'as pas de temps à perdre. L'heure tourne.

Une fois arrivé à la machine, tu es soulagé de remarquer qu'il n'y a personne. Mais ce soulagement n'est de courte durée car il te semble entendre quelqu'un arriver dans ta destination. Tu n'as plus qu'à espérer qu'il n'est que de passage...

L'air siffle entre tes dents serrées. Tu regardes avec dégoût ta main et ta manche qui ont également reçu du café quand le buste de Lucian avait jugé bon de foncer dans ton thermos. D'un nouveau soupir, tu changes ton thermos de main avant de secouer légèrement ta main d'un geste qui ne cache pas ton écœurement. "Bravo." Le ton de ta voix est bien évidemment glaciale. L'envie de frapper Lucian avec cette main encore pleine de café te traverse l'esprit, mais cela ne vaut pas le coup de monter dans l'excès.

À la place, tu déposes ton thermos sur la machine et attrape une serviette pour éponger au mieux ta main et ta manche. Puis, une fois satisfait de cette pseudo-propreté (tu ne te considéreras pas entièrement propre tant que tu n'aurais pas laver cette manche), tu te débarrasses de la serviette puis en prends des nouvelles. Celles-ci, tu les tends à Lucian que tu fixes toujours froidement. "Et bien alors. Tu comptes rester planté là ou tu comptes nettoyer au moins un minimum ?" Tu illustres tes propos en désignant du doigt la petite flaque de café à ses pieds ainsi que la tache sur sa chemise qu'il a sûrement dû remarquer.  

Tu hausses les épaules devant les excuses de Lucian. Ce qui est fait est fait. C'est trop tard pour revenir en arrière. "La prochaine fois, regardes où tu vas. Cela t'évitera bien des soucis."

Bien que la proposition de Lucian est tentante, tu es pris d'une légère panique. Tu crains que si tu laisses ton thermos à Lucian, il pourrait y mettre quelque chose ou bien prendre trop de temps pour te l'apporter. Tu ne veux pas prendre de tel risque. Ton manque de confiance envers tes collègues est aussi grand que ça. "Ne te donnes pas cette peine. Je peux m'en occuper." Tu lui adresses à ton tour un sourire qui se veut poli. "Tu semblais te précipiter quelque part avant cet accident. Ne devrais-tu pas y aller ?" Tu te demandes un instant si l'accident du café est une excuse valable pour être en retard. Sans doute pas. Lucian risque d'avoir de plus sérieux problèmes qu'une tâche de café sur sa chemise. Tant pis pour lui.