Dans le couloir, tu avais reconnu la silhouette esseulée dans le couloir. Oscillant à droite, à gauche, se penchant près des portes, curieuse. Amaury. Pas moins que le responsable de ton quartier. Un regard à droite, un à gauche et tu en étais désormais persuadé : son manque d'escorte signifiait probablement qu'il était perdu. À pas calmes, te voilà qui te rapproche, maintenant tout de même un mètre ou deux de distance entre vous, par simple politesse, tu ne voudrais pas l'importuner.
Bonjour ? Monsieur ? Madame ? De mémoire, ni l'un ni l'autre, autant te taire alors. Vous semblez égaré, puis-je vous être d'une quelconque aide ? Un sourire radieux, un sourire solaire, comme tu les offre à les pelle pour tous ceux qui veulent bien les accepter, et pourtant celui ci a une saveur spéciale, il est un peu timide, pas anxieux. Tu n'as pas peur, mais tu ne voudrais quand même pas l'importuner, ses journées sont probablement bien assez chargées pour ne pas avoir à jongler avec les états d'âme d'un humble professeur.
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my world is so bright
I live inside my own world of make-believe ; kids screaming in their cradles, profanities; I see the world through eyes covered in ink and bleach; ross out the ones who heard my cries and watched me weep 297words featMilka BY MINNIE | hush Amaury cherchait avidement la liberté, qu'elle se trouve dans une parole plus insolente que l'autre ou dans le rire émerveillé d'un enfant. Bien sûr, il prenait toujours part aux activités dues à un membre du Conseil de son rang, et il ne manquait jamais à son devoir. Mais il n'était pas rare qu'il cherche à s'évader, de façon un peu détournée. Voyez-vous, Amaury était friand de liberté. Il se serait bien enfui, mais il n'avait pas à se plaindre de sa vie actuelle - ou en tous cas, il ne se laissait pas le temps de penser à se plaindre. De ce fait, quand il était en visite à un endroit ou un autre du district Onze, qu'il soit accompagné ou non, il trouvait le moyen de s'éclipser presque systématiquement - les visites guidées n'étaient pas ce qui lui plaisait le plus au monde, vraiment pas. On le retrouvait souvent à discuter avec des pénitents au hasard ou à jouer avec ses petits protégés. Adorable, peut-être bien. Bon, cette fois-ci, il était complètement perdu. Ces couloirs ne lui rappelaient rien, absolument rien. Ce n'était pas plus mal. Une voix le tire de ses contemplations, et il relève la tête, souriant amicalement au visage inconnu. Oh, pas vraiment. C'était toujours un bon moyen d'apprendre à connaître ses subordonnés - en un sens, c'est ce qu'ils étaient, tous. Meh. Il n'y prêtait pas beaucoup de réflexion. Je cherchais juste à visiter. Peut-être pourriez-vous me montrer un peu du coin. Cette personne-là avait l'air bien plus accueillante que les hommes blafards et nerveux qui l'avaient accompagné jusqu'ici. Comment dois-je vous appeler ? |
Je peux vous faire visiter l'école si vous voulez. Il demande comment il doit t'appeler, ton coeur manque un battement. Ça ne fait pas partie des choses qu'on te demande souvent. Lorsque tu as l'occasion de voir quelqu'un d'un quartier différent, on t'appelle simplement onze. Lorsque c'est quelqu'un d'ici, c'est mille quatre. Personne n'a plus eu l'occasion de t'appeler par ton prénom de naissance depuis des années, il te semble ? Mon numéro est mille quatre. Tu lâche, un peu hésitant, n'osant clairement pas faire preuve de plus de familiarité, après tout tu ne sais pas ce que tu risques.
Venez, je vais vous montrer la classe dont je m'occupe ! Rien de mieux que de lui montrer les petites têtes blondes dont tu t'occupais, pas vrai ?
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I live inside my own world of make-believe ; kids screaming in their cradles, profanities; I see the world through eyes covered in ink and bleach; ross out the ones who heard my cries and watched me weep 298words featMilka BY MINNIE | hush Il lui sourit, poli. Ce serait parfait, oui. Il a l'air intéressant, ce jeune homme - enfin, il ne voulait rien assumer, mais pour l'instant il ne pouvait pas faire autrement. Amaury joint ses mains dans son dos, et observe ; la chevelure de feu, les joues rosies, le visage pétillant de vie. C'est fou ça, il suffisait d'une étincelle de vie de la part de son environnement pour renforcer l'impression de cadavre ambulant qu'Amaury renvoyait. 1004, alors. Il lui semble avoir déjà entendu parler de lui - mais en bien, en tous cas. Enfin, il suppose. Il n'arrive pas à se souvenir des numéros de chacun. C'est difficile, les codes, non ? Ou alors il est le seul à galérer autant ? Très bonne question. Amaury le laisse le guider dans les dédales de couloirs - ils réussissent à faire la conversation, tout de même, se racontent des mots vides pour faire passer le temps. Je serais ravi de voir comment vous travaillez. Il suggère, un sourire faible aux lèvres. Il l'observe, encore. C'est rare, il finit par noter. De voir quelqu'un d'aussi rayonnant ici. C'est plutôt agréable. Ça change, en tous cas. Qu'est-ce qui vous rend si souriant, 1004 ? Silence. Finalement, il rit. D'accord, vous êtes livide. Détendez-vous. Je ne crois pas faire partie des cons qui bannissent pour un rien. Vous pouvez parler librement. En tous cas, lorsque nous sommes seuls. Cela fait longtemps qu'il n'a pas eu le droit à une conversation libre et dénudée de formules de politesse, de peur, de sous-entendus. Mais Amaury sait qu'il ne peut pas trop en demander à 1004. |
Oh ! Je ne sais pas, je... Il dis que tu peux parler sans t'inquiéter des conséquences, bien sûr que tu lui fais confiance, et bien sûr que tu ne devrais pas, mais tu n'as rien de terrible à dévoiler, tu n'as rien fait de terrible, pas vrai ? Tu es un garçon bien, tu suis les règles et trouve ton bonheur là où tu peux. Poussant doucement la porte de la salle de classe, tu laisse entrevoir la petite vingtaine d'élèves qui mangent joyeusement ensemble, papotant et riant. La salle est pleine de dessins d'enfants, de couleurs, quelque chose qui tranche comme jamais avec la morosité du couloir, du bâtiment, voire même de la ville en général. C'est eux. C'est eux qui me rendent comme ça, je n'ai qu'eux.
Ton coeur se serre un peu, mais c'est vrai. Tu n'as personne, tu vis pour ton travail et c'est exactement ce qu'on attend de toi. Mais tu t'inquiète, il ne se passe pas un jour sans que tu angoisse à l'idée qu'on puisse venir te les retirer, pour les emmener dans une classe supérieure, pour les faire travailler. Tu voudrais les garder pour toujours. Tes yeux se reposent sur Amaury, tu souris, tendrement. Ils sont mignons, non ?
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I live inside my own world of make-believe ; kids screaming in their cradles, profanities; I see the world through eyes covered in ink and bleach; ross out the ones who heard my cries and watched me weep 227words featMilka BY MINNIE | hush C'est presque aveuglant, toutes ces couleurs, elles font mal aux yeux, elles piquent, il se retrouve à détourner les yeux amèrement. Je vois. C'est logique. La logique, au dessus des sentiments. Amaury doit bien l'avouer, il déteste les enfants. Ces petites bêtes-là, avec leurs émotions pures et nouvelles, qu'ils ne maîtrisent pas, ils lui rappellent bien trop lui pour qu'il les apprécie. Il a un peu peur, même. Comme s'ils pouvaient voir à travers lui, comme s'ils pourraient dévoiler ses secrets. Mais bon, ce ne sont que des enfants. Déjà, ils apprennent à écrire leur matricule, ensuite, ils pourront discuter, hein ? Amaury est un grand. Il ne devrait pas avoir peur des bambins qui gesticulent à quelques mètres d'eux. Ils le sont, oui. Mignons, peut-être pas. Un peu attachants, un peu désespérants, oui peut-être. Mignons... Il n'irait pas jusque là. Il soupire doucement, c'est presque inaudible. Il a encore plus perdu l'once de lumière qu'il gardait auprès de lui - comparé à 1004, il ressemble au néant. Un néant gris, poussiéreux, fatigué. Le dos un peu courbé et les yeux dorés tirés. Peut-être devrions-nous entrer ? Enfin. Je ne voudrais pas les effrayer, non plus. Amaury a conscience qu'il fait peur à voir, bien sûr. Il sourit à 1004. De ce que je vois, vous êtes parfait pour eux, 1004. |
Approchez, approchez, vous ne les effraierez pas. Tu espère, s'ils sont effrayés par le responsable de leur quartier actuel, la vie ne leur prévoit rien de bon. Mais il saisit avec précaution le bout de sa manche et le tire doucement à l'intérieur de la pièce où les enfants relèves de grands yeux ronds vers eux, se taisant tout à coup. Et puis les questions fusent et fusent. C'est qui le monsieur ? C'est qui la dame ? Il est gentil ? C'est un nouveau professeur ? Il vient manger avec nous ? C'est un nouvel élève ? Le sourire que tu arborais s'étire et s'étire encore, il fend ton visage. Amaury est une personne importante du conseil, vous devez être gentil avec lui, il ne vient pas souvent dans notre école. Les enfants commencent à piailler doucement, gentiment à poser maintes et maintes questions, et voilà qu'ils veulent lui faire goûter de leurs repas, le faire rester, le dessiner.
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I live inside my own world of make-believe ; kids screaming in their cradles, profanities; I see the world through eyes covered in ink and bleach; ross out the ones who heard my cries and watched me weep 293words featMilka BY MINNIE | hush C'est. Un peu trop, soudain, peut-être ? Amaury ne sait pas trop, il observe les petites créatures dégoulinantes de bave devant lui, puis 1004 toujours aussi rayonnant à ses côtés, et Amaury sait encore moins. Peut-être bien qu'ils sont mignons, il a dû mal à s'en rendre compte, mais il veut bien avouer qu'il comprend pourquoi 1004 les trouve aussi attachants. Pourquoi ils le rendent si lumineux. Pourquoi il détonne autant au milieu du gris et de la routine morne. Ce n'est pas une grande épiphanie, mais il s'adoucit un peu, et se surprend à sourire - ses sourires si faux et malicieux, si redoutés parmi les adultes ; un sourire doux. Il s'accroupit vers les mômes, repliant les longs pans de robe scintillante de dorures près de lui - lui aussi, sans s'en rendre compte, il détonne parmi les gens aux habits simples, sans couleur. Il s'en rend compte après quelques questions des plus jeunes, d'ailleurs. Vite pris au jeu, il faut l'avouer. Ce n'est pas si grave, de se détendre de temps en temps, pas vrai ? Il espère rayonner comme 1004 ensuite, mais ce n'est pas gagné, certainement. Finalement, le devoir l'appelle quand les deux hommes censés lui montrer le chemin à la base le retrouvent. Ah. Merveilleux. Amaury soupire lourdement, se redressant. Ses yeux se posent sur 1004, et il lui sourit. C'est encore un peu vide, mais il y a du progrès. Merci pour cette visite impromptue. C'était très agréable. Il suppose, en tous cas. Il aurait bien besoin d'y réfléchir un peu, mais ce n'est pas pour tout de suite. J'espère que nous nous reverrons. |
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