Cette fois-ci, il avait juste voulu se rendre chez Léandre. Pour s'excuser, vous voyez ? Il voulait juste... lui dire qu'il était désolé. Il ne savait pas trop. Il avait peur, Amaury, peur que Léandre disparaisse à son tour, comme Lucian avait disparu. Au final, il s'était retrouvé perdu au milieu du douzième district, le coeur tapant fort contre la poitrine et le souffle coupé, incapable d'inspirer ou même d'expirer. Ce n'était qu'une crise d'angoisse parmi tant d'autres, mais le voilà. Presque effondré au milieu d'un district qu'il ne connaissait pas, alors que la lune montait doucement dans le ciel. Joie.
Ses traits sont doux, estompés par la nuit qui ne lui retire rien de sa brillance, sa splendeur, bien au contraire. C'est au cœur de la nuit que Lumière semble la plus puissante, et pourtant si fragile, comme si le moindre geste allait la faire voler en éclats. Affichant un sourire doux, d'une tendresse sans borne, comme seul arme et seul protection, Lumière caresse ses joues. C'est comme si les pas d'Amaury l'avaient menés à dieu lui-même, autant qu'il puisse y croire, l'imaginer. Cette rencontre n'a rien d'un hasard.
Il suppose qu'il n'ira pas s'excuser auprès de Léandre au final. Quel intérêt. Ça ne ferait qu'envenimer les choses, ça ne ferait que le rendre vulnérable, ce qu'il n'a pas envie d'être, bien au contraire. Aux côtés de Lumière, Amaury se sent plus fort, plus résistant, mieux, meilleur. Quel dommage que ce moment ne dure qu'un instant, car il aurait bien besoin de cette force d'âme au quotidien ; alors il prie pour que la trace de Lumière reste pour toujours sur lui, comme une amulette qui lui permettrait d'avoir un peu d'elle et de son aura rassurante à ses côtés.
Il soupire. Un soupir de soulagement, presque un soupir de contentement. Lumière brille doucement à ses côtés, lui qui s'apparente presque à un abysse sombre, au néant en comparaison. Il n'y a aucune lumière qui passe à travers Amaury, tous les rayons de lune ou de soleil se retrouvent inévitablement aspirés. Quel dommage.
* Tu n'es pas seul.
C'est murmuré, tout bas, à se demander si elle a même à ouvrir la bouche pour le lui faire comprendre. Lumière et partout, dans les rayons de lune comme les lumières froides des lampadaires qui habillent la rue avec une régularité aussi rassurante qu'énervante.
* Tu es aimé, Amaury.
Elle relâche enfin son visage, recule légèrement pour l'observer longuement, avant de lui sourire, tendrement, doucement, comme on sourit à un enfant pour le rassurer après la fin du monde.
Oh, il sait qu'il est aimé. Des amours futiles, fugaces. Qui lui rappelaient simplement, à la fin, à quel point il était seul. Il n'était sûr de rien. Sinon de ce qui l'attendait à la fin de l'histoire. Le bannissement. Il l'attendait avec angoisse, mais au bord du vide, Amaury était certain qu'il n'aurait pas peur.
Peut-être que Lumière l'aime, mais Amaury se déteste trop pour penser que c'était sincère. Il esquisse un sourire et agite la main.
Il recule d'un pas, incertain du chemin à prendre, peut-être que Lumière ne le laissera pas s'en aller. Lui qui voulait s'excuser auprès de Léandre... L'autre homme devrait attendre encore un peu. Au final, peut-être que ce n'était pas une si bonne idée. Lumière avait peut-être eu raison de le remettre dans le droit chemin.
* S'il te plait, rentre chez toi.
Elle sait bien que la psychologie inversée d'Amaury le poussera à vouloir autre chose, à vouloir aller contre sa demande, mais au delà d'une demande, c'est une supplication, quelque chose pour lui dire de faire attention, de prendre garde, quelque chose pour le prévenir que s'il n'obéit pas, il pourrait lui arriver quelque chose de terrible. Et tout cela transparaît sans aucun mal dans sa voix, lorsqu'elle murmure ces mots, avant de baisser les yeux, sa lueur s'éteint, un peu, à peine.
* J'ai peur de te perdre.
C'est déchirant, cette façon de lui parler, comme une mère parle à ses enfants.
Est-ce qu'il est curieux ou simplement inquiet ? Allez savoir. Il se demande si Lumière a peur d'Abysse. Ou bien le contraire. Il se demande si Lumière est capable de ressentir la moindre émotion. Il se méfiait naturellement des êtres lumineux comme lui. Par peur, sûrement. Amaury était souvent motivé par sa peur.
C'était le plus gros mensonge qu'il n'avait jamais prononcé.
* Toi-même.
Ça lui sembla une telle évidence. Bien sûr, l'instant d'après elle était apparue près de lui, tout près, juste pour tendre les doigts et poser sa chaleur un peu fantomatique contre ses joues. Il n'était plus que l'ombre de lui même, il lui semblait. Lumière avait cette force, ce contact qui poussait à se plier, à laisser son estomac se tordre en deux, à se tétaniser. Ce contact ne dura qu'une seconde, l'instant d'après, Lumière s'était envolée.
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