CHROMA
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Jun
Jun
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Bourreau
Ces longs couloirs encore noirs de toute lumière, ces bureaux vides de toute âmes encore ensommeillés dans la chaleur de leur lit, chez eux. Le siège du conseil était bien silencieux à cette heure du matin, un parfait mélange de lugubre et de sérénité, tout dépendant de voir les choses. Pour Jun, il ne s'agissait que d'un autre terrain de jeu à découvrir, à visiter lorsque l'occasion se présentait. Il était à peine 7:00 du matin. Il y était depuis 6:30. Mais qu'est-ce qu'il pouvait bien foutre là, si matinal ? Rien de bien particulier, il errait sans but précis, à attendre que le temps. À attendre qu'il soit temps de bannir ces chers pénitents. Mais pour bannir, il lui fallait sa fameuse liste, les noms de ceux qui allaient être effacé d'Inner_13. Et pour se procurer cette liste, il savait exactement qui aller voir.

Les mains dans les poches, il marcha d'un pas lent dans ces fameux couloirs, finissant par croiser quelques personnes qui arrivaient à leur rythme, en croisant d'autres qui rebroussaient le chemin pour éviter un contact visuel avec lui. Mais ces personnes ne l'importait peu, il avait d'autre chat à fouetter. Ils ne valaient pas la peine qu'il gaspille sa salive pour des conversations totalement désuètes et inintéressantes. Sauf s'il le croisait lui. Mais il n'était sans doute pas arrivé, pas vrai ? C'était une réponse qu'il connaissait très bien, puisqu'il avait prit la peine de faire un détour et de passer devant pour voir si la lumière se glissait sous la porte... Noirceur. Il n'avait plus rien à perdre à attendre. Pour le moment.

Se rendant près du bureau de Jeremiah, son idole, son ami, ce n'était pourtant pas ce visage si familier qu'il recherchait. Silencieux comme une ombre, il se tourna plutôt vers le bureau en face du sien. Il pouvait aisément deviné la présence de la jeune feuille qui y travaillait, par le bruit des documents qui se faisait déplacer, par la douce lumière qui émanait de son bureau à la porte entrouverte. Lentement, discret comme une pierre tombale, il poussa la porte sans faire le moindre son, juste assez pour qu'il puisse passer le seuil de celle-ci, ses yeux noirs se posant sur la personne présente.

Cattleya.

Restant dans l'embrasure de la porte, il resta là à l'observer silencieusement. Ses cheveux blonds qui tombaient sur ses épaules, sa silhouette fine... Une délicate petite proie à qui il ne dirait pas non. Lui tournant le dos, elle ne semblait pas avoir remarqué sa présence.. Pour le moment. Parfait. S'approchant, le requin remarqua qu'elle semblait chercher quelques choses sous les dossiers devant elle. Son regard se posa sur le crayon à paillettes qui pointait discrètement sous une feuille. L'aura écrasante du prédateur qu'il était, il s'approcha d'un coup de la jeune femme dans son dos, venant appuyer ses mains de chaque côté d'elle en s'appuyant sur la table. L'emprisonnant de ses bras sans pour autant la toucher et de sa proximité, mais suffisamment pour qu'elle ressente son énergie troublante et la chaleur qu'il émanait, il attrapa le crayon du bout des doigts et le fit pivoter entre ceux-ci, si près, humant son parfum.

"C'est ça que tu cherches ?"

Une voix un peu trop mielleuse, frisant l'insolence. Mais on parlait bien de Jun, là.



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Cattleya
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secrétaire de Jeremiah
Tu dormais peu ces temps-ci — non — tu dormais peu suite à ta promotion.

Mais tu ne dormais plus ces temps-ci.

Tu t’étais faite un ennemi du sommeil. Les choses se passaient ainsi : après une journée comme une autre et une soirée tout aussi ordinaire, tu te glissais dans ton lit et tu fermais les yeux. Tu te tournais et te retournais et tu fuyais les sons — les aiguilles de l’horloge. Le battement de ton cœur. Le vent, au dehors. Les gouttes d’eau qui tombaient de ton robinet, dans l’autre pièce, pareilles à la pluie.

>_ chimère : l’eau.
tu t’engourdissais. les tic tac se perdaient dans le néant. le temps n’était plus.
l’eau.
tu étais un cadavre.
l’eau.
tu flottais.
l’eau.
mais tu étais aussi au bord de la ville.
l’eau.
elle montait avec la pluie.
l’eau.
ton cadavre se balançait au gré des vagues. tu le regardais faire en silence. tu étais endormie.
l’eau.
d’abord tu perdis tes mains. puis tes pieds. tes chevilles suivirent. ta tête fondit. tes jambes se changèrent en écumes.
Il ne restait plus rien, pas même des souvenirs.

Tu ne dormais plus ces temps-ci.

Et comme tu étais docile, tu te rendais toujours plus tôt au bureau. C’était cela, que vous demandiez aux pénitents, n’est-ce pas ? De travailler dès que l’occasion se présentait. Tu ne pouvais pas tourner en rond dans ton appartement éternellement.

Alors tu travaillais. Est-ce que cela te changeait les idées, de lire d’autres dossiers d’autres cadavres qui se décomposeraient dans l’eau ? Au moins, il ne portait pas ton matricule ni le sien. Et dans ces moments-là, tu préférais ne pas être seule.

Tu es penchée sur ton bureau lorsqu’il arrive. Tu ne le remarques même pas, ce qui n’est pourtant pas très compliqué. Ton stylo rose danse sur tes doigts, celui-là même que Jeremiah déteste tant. À ce moment, rien ne te semble plus capital que ta contemplation. Il y avait quelque chose à son propos, une question importante… Quand est-ce que tu —

> Cattleya :Voilà qu’il t’échappe des mains et roule sous tes dossiers. Tout doit rentrer dans l'ordre : redresses-toi et cherches ce petit fuyard.

Tout se passe très vite — quelqu’un te pose une question et tu penses : mais Jeremiah n’est pas arrivé ? Ton sursaut est comique, tout comme le rouge qui prend possession de tes joues, impunément, alors que deux mains se posent de chaque côté de toi.

C’est qu’il fait chaud, d’un coup.

Tu lèves le nez jusqu’à croiser le regard de Jun. Qu’est-ce que vous étiez proches ! La situation devait beaucoup l’amuser.

Oh, Jun, c’est toi… soupires-tu avec soulagement.

Ton regard s’adoucit, mais la fatigue est palpable dans tes yeux dorés. On y distinguerait presque l’eau et le cadavre et toi, au bord de la ville. La lumière de ton sourire est plus ténue qu’en temps normal. Mais qu’est-ce que c’était, tiens, qu’un temps normal ?

C’est bien ça, oui. Merci.

C’est étrange de le voir tenir un stylo à paillettes. Cela suffit à te déconcentrer et la question que tu te posais restera sans réponse.

Pour l’instant.

Sans chercher à te débarrasser des bras qui t’entourent, tu tires une petite boite d’un coin de ton bureau pour lui mettre sous les yeux.

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