Ce n'est pas une bonne journée.

Il y a quelque chose d'étrange dans l'air, une tension, une lourdeur. Peu sont à l'aise d'en parler, encore moins capable de l'expliquer, mais chose certaine, tous le ressentent. Il y a une sensation de danger et pire, d'incertitude, qui n'a jamais été ressentie auparavant et les travailleurs qui doivent poursuivre leurs tâches en ressentent les conséquences ; ils se fatiguent plus vite, les machines brisent plus fréquemment, le travail est bâclé... mais dans ce désastre, une nouvelle solidarité est trouvée, et tous se promettent de rattraper le temps perdu une fois que tout ira mieux...

Pour 5641, ce n'est pas une bonne journée.

L'inspectrice n'a jamais failli à sa tâche, et aucune calamité ne peut changer ça, encore moins les altermoiements de ses collègues. Plus que jamais, elle reportait les ratés et les erreurs d'autrui sans effort pour cacher son mépris et parfois même sa colère à chaque fois qu'elle griffonnait dans son bloc-note, mais les choses avaient changé. Ses employeurs étaient aussi victimes de ces changements, et ils avaient d'autres attentes pour elle...

Donne-leur une chance. Tu es trop dure. C'est difficile pour tout le monde, ce n'est pas le bon temps pour ça.

C'est absurde. C'est ridicule. Elle devrait mettre son travail, sa mission de côté pour accomoder ces poids morts qui ne pouvaient plus faire leur travail? C'était tout un paradoxe ; lorsqu'elle avait appris la nouvelle, 5641 n'avait pas osé prendre la parole, mais avec quelques jours pour y penser, elle avait enfin commencer à questionner les choix de ses employeurs. Après tout, elle travaillait peut-être pour eux, mais Inner-A13 était son seul vrai supérieur, et si elle devait prendre ce risque pour le bien de la ville, alors soit. Mais ça n'avait rien changé. Elle avait donc continué son travail comme avant, en ignorant ses nouveaux ordres.

Ce n'est pas une bonne soirée, non plus.

Un paquet est déposé sur le coin de son bureau. En retenant un baillement, la femme déchire l'enveloppe du bout de son ongle et retient un grognement en voyant de quoi il s'agit : une liste de rapports qu'elle a envoyé plus tôt dans la semaine. Tous rejetés. En se mordant la lèvre, elle les lance avec les autres et regarde l'heure, se demandant si elle devrait arrêter pour la journée et réessayer demain. Ce n'est jamais arrivé avant, mais elle travaille déjà très tard, c'est la deuxième fois que ses papiers lui sont renvoyés et qu'elle doit revoir ses évaluations, le travail s'accumule et elle n'est plus en état d'accomplir quoi que ce soit... mais tout abandonné et décider quand elle s'arrête? Quelle folie!
Mais les autres le font bien, eux. Pourquoi n'aurait-elle pas le droit à une "chance" elle aussi?

Il n'y a aucune satisfaction à son départ, pas même en décidant enfin de mettre son bien-être en priorité, mais plutôt une sorte de vengeance mesquine envers l'autorité invisible autout d'elle. Qu'allait-il se passer, maintenant? Qui sait. Elle frissonne en mettant le pied dehors, resserre sa mince veste et sors son téléphone pour trouver la meilleure façon de rentrer chez elle. Après toutes ces années, elle devrait savoir... mais elle n'a jamais cherché à apprendre.
Il est bien tard. Personne ne finit à cette heure dans les environs, normalement. 5641 traine les pieds jusqu'à chez elle, seule, peut-être... elle ne saurait pas dire.