— but you're never gonna burn burn burn

Ah non mais quelle plaie quoi, il est 18h passé, pire presque 19h et Jeremiah est encore à son bureau ! C'est que la session de Plaidoirie d'aujourd'hui était particulièrement longue et a débordé non seulement sur ses temps de "micro" siestes mais surtout sur celui de la rédaction de ses rapports. Et même en étant expressément odieux envers sa secrétaire pour qu'elle se dépêche de relire et de remettre en forme ce qu'il est en train de taper à la vitesse lumière sur son logiciel de traitement de texte, Jeremiah a pris du retard sur sa journée ce qui l'agace considérablement. Lui ne rêve que de rentrer chez lui, jeter ses chaussures dans l'entrée et ses fesses sur le canapé pour demander à sa petite femme quel est le menu du soir. À la place il doit se contenter de jurer sur son assistante et son ordinateur mais si cette technique personnelle de management fonctionne plutôt bien sur la pauvre jeune femme, ce n'est pas le cas de sa machine :

_AH BORDEL ! Ma boîte mails a encore crashé, fais chier.

C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Jeremiah redémarre furieusement son PC et sans adresser un regard à son assistante, sort de son bureau, visiblement contrarié. Il n'est en vérité pas particulièrement stressé, juste gavé de devoir se taper des heures supplémentaires.
En train de faire les cent pas dans les couloirs en attendant que son ordinateur ait fini de rebooter, il fixe ses chaussures, se dit que sa femme aurait pu mieux les cirer la veille. Sur cette charmante pensée, il manque de justesse de rentrer dans quelqu'un :

_Oh hé, faut regarder devant soi hein. Je sais que je suis irrésistible mais de là à me faire du rentre-dedans dans les couloirs quand même... Grommelle-t-il avec un sourire mi-lourdingue, mi-agacé.

— but you're never gonna burn burn burn

Devant lui, la cascade d'ondulations blondes de Laney. Tu parles du jackpot mon vieux, t'es rentré pile dans la meuf qui te supporte le moins dans tout le siège ! Ce qui en soit n'est pas très grave, Jeremiah n'est pas là pour se faire apprécier. Là où ça coince, c'est que la minette est proche d'Aden et passablement mieux placée que lui dans la hiérarchie et avoir une nana qui cumule beauté, intelligence et pouvoir, pour l'esprit simple de Jeremiah, c'est tout bonnement inacceptable. Donc oui, en plus d'avoir probablement perdu le rapport qu'il était en train de taper, il faut qu'il ait percuté Laney, LA meuf qu'il peut pas saquer.
Ah heureusement que Jeremiah est toujours capable de voir le côté positif de la chose. C'est une superbe occasion de faire perdre son temps à la belle. Le partage c'est bien non ? Y'a pas de raisons que Jeremiah soit le seul à passer une soirée de merde. Et puis, la vue sur son décolleté qu'elle lui offre en se penchant pour ramasser ses papiers n'est pas pour lui déplaire.

Faut-il préciser qu'il ne fait même pas mine de se pencher pour l'aider à réunir ses affaires ?

_Oh zut Laney, oh quelle maladresse vraiment ! Ce serait SI bête de perdre une page de tes précieux arrêtés à cette heure-là ! Qu'il s'exclame, tout sourire sur le ton le plus faussement candide qu'il connaisse.

Pire encore, son pied glisse malencontreusement - oh oups, quel gaffeur ce Jeremiah ! sur une des feuilles, empêchant Laney de s'en saisir.
Évidemment, évidemment, il fait semblant de ne pas le remarquer et lève les yeux au plafond en se grattant le menton. Faudrait pas qu'elle le remarque lui reluquer la poitrine. Trop tard ? Tant pis.

— but you're never gonna burn burn burn

Rien que le fait d'entendre son nom sortir de la bouche de Laney est une victoire pour Jeremiah qui se doute que le simple fait pour la blonde de le désigner à une haute voix doit lui écorcher le bout de la langue. C'est la force de la raclure ça. Avoir les gens à l'usure, ne rien lâcher. Et le faire toujours avec le plus odieux des sourires.

_Ouiii ? Oh il est si mielleux qu'il pourrait se filer des caries à lui-même. Il se croit très drôle et très malin, tellement que la menace lui passe allègrement au-dessus de la tête.

Jeremiah cligne des yeux de façon exagérée. S'il avait eu une voix plus aigue, il aurait pu glousser comme l'enfant tout innocent qu'il prétend être. À la place, il se penche pour ramasser la feuille et la tendre à la conseillère :

_À moins que tu ne fasses passer un arrêté contre les gens diaboliquement beaux gosses comme moi, je ne vois pas ce que tu pourrais faire, chérie.

Jeremiah est une plaie, mais une plaie inoffensive si on prend en compte tout ce qu'il se passe dans Inner_A13. Il joue très bien de son statut car il sait qu'en principe, il faudrait être complètement chtarbé en apparence pour sortir le lance-flamme pour le petit moustique qui l'est réellement.
Seulement vous savez combien de saloperies ça peut trainer un moustique ?

— but you're never gonna burn burn burn

Rire. Petit ricanement de hyène. Jeremiah adore quand on joue à son petit jeu à son petit jeu de qui est le plus con. Laney si froide, si cinglante, si sérieuse qui sort une bêtise en pensant le faire chier, ça le fait en fait rire. Et ça lui plait beaucoup. Oh il pourrait presque l'apprécier la blonde, comme elle pourrait presque l'apprécier aussi. Il faut de tout pour faire tourner un monde, il faut du sel pour faire tourner le Conseil. Des gens qui se détestent et canalisent ce dédain dans leur travail comme Laney, comme lui, comme le reste. Jeremiah pense sincèrement être un élément indispensable à cette drôle de machine. Aussi n'a-t-il pas peur de répliquer :

_Aha mais si du coup il reste plus que des gens moches au Conseil, je préfère effectivement être banni ! Il ferait mieux de fermer sa gueule. Comme souvent. Mais le principe même qu'il puisse tomber de son trône lui parait si abstrait, qu'il est assez stupide pour lancer un propos pareil.

_Oh noooon Aden, mon PIRE cauchemar. Qu'est-ce qu'il va faire ? Me mettre une fessée et un bonnet d'âne ? Me faire copier deux cents pages de « Je ne dois pas emmerder Amaury car c'est pas gentil » ? Me mettre au coin ?

Quand on a pas peur du bannissement, on a un peu peur de rien dans Inner_A13. En tout cas Jeremiah, lui, n'a décidément peur de rien. C'est à la fois sa plus grande force et sa plus grande faiblesse.

Comme Laney ne semble pas décidée à reprendre cette foutue feuille, Jeremiah ne se prie pas pour la froisser, en faire une grosse boulette qu'il jette négligemment dans le couloir. Petit cadeau pour l'agent d'entretien. Techniquement ce genre de papiers ça devrait aller à la broyeuse, au cas où, mais déjà c'est pas son rapport à lui et puis surtout est-ce que les bonniches qui s'occupent du ménage sont assez intelligentes pour vraiment comprendre la complexité de leur travail ?
Je vous le dis, Jeremiah n'a peur de rien.

— but you're never gonna burn burn burn

Malin, filou, rusé, sournois, vicieux, connard, tant d'adjectifs pour qualifier le Jeremiah, tant de possibilités pour lui d'être ou insupportable ou tout bonnement odieux ou tout simplement un peu plus dégourdi que les autres.
Laney, elle, a fini de faire la pétasse/porte de prison. Elle s'éloigne déjà, froide, plus disposée à le divertir :

_Hé attends tu as perdu quel- Ton sourire mam'zelle.

Mais elle le coupe. Malpolie. Et son salut est si étrange qu'il oublie la fin de sa blague lourde.

_Euh ou à demain plutôt. Répond-il en la regardant partir. Et plus la distance les sépare, plus le son de sa voix s'amenuise : Parce que on travaille dans le même bureau hein, du coup je vais probablement tomber sur tes fesses demain. Allô ? Hé ho...

Chelou.
Laney est une femme pleine de mystères et c'est une raison de plus pour laquelle Jeremiah ne peut que cordialement la détester. Il est bien placé pour savoir que les individus de cette espèce sont les plus aptes à le poignarder par derrière et un couteau dans le dos ce n'est pas drôle comme un coup de poing dans la figure. C'est froid, c'est rapide, c'est propre.
C'est final.